Le Conseil constitutionnel valide la loi autorisant la recherche sur les embryons

Dans sa décision du 1er août 2013 n°2013-674 DC, le Conseil constitutionnel a jugé la Loi tendant à modifier la loi n°2011-814 du 7 juillet 2011 relative à  la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires conforme à la Constitution. 

La loi bioéthique de 2004 avait permis aux chercheurs de pouvoir réaliser des recherches sur les cellules embryonnaires humaines, lesquelles étaient soumises à de strictes conditions. Le principe était alors celui de l’interdiction, assortie de dérogations exceptionnelles. Par suite, la loi du 7 juillet 2011 sur la bioéthique n’en n’a pas modifié le régime, lequel restait celui de l’interdiction avec dérogation. Toutefois les chercheurs français, et notamment l’INSERM, appelaient de leurs vœux une clarification du cadre législatif, estimant notamment urgent de « combler le retard accumulé ces dernières années« .

Le texte attendu par une partie de la communauté scientifique « depuis une dizaine d’années » a été adopté par l’Assemblée Nationale au début du mois de juillet 2013. Comportant un article unique modifiant la loi sur la bioéthique, il permet le passage à un régime d’autorisation sous – de strictes – conditions.

Saisi dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution (contrôle de constitutionnalité a priori), le Conseil constitutionnel était appelé à se prononcer sur la constitutionnalité de cette loi au regard de trois principaux moyens. Le premier, de procédure, était relatif à l’absence de saisine du Comité Consultatif National d’Ethique et d’autres organismes, en ayant recours à une proposition de loi ce qui était, selon les requérants, constitutif d’un détournement de procédure (I). Ensuite, les  juges du Palais Royal devaient se prononcer sur une éventuelle méconnaissance de l’objectif à valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ainsi que sur le moyen tiré de l’incompétence négative du législateur (II). Enfin, les auteurs de la saisine invoquaient le moyen tiré de l’atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine (III).

Par sa décision du 1er août 2013, le Conseil constitutionnel juge la loi en conformité totale avec la Constitution.

I. Le fait d’éluder l’application de l’article L. 1412-1-1 du Code de la Santé Publique (CSP) en ayant recours à une proposition de loi n’est pas constitutif d’un détournement de pouvoir contraire à la Constitution.

Le Conseil rappelle que les dispositions de l’article L. 1412-1-1 du CSP n’ont qu’une « valeur législative ». De plus, l’article 39 alinéa premier de la Constitution dispose « L’initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement ». Ainsi, « aucune règle constitutionnelle ou organique ne faisait obstacle au dépôt et à l’adoption de la proposition de loi dont est issue la loi déférée », les requérants n’étant dès lors pas fondés à soutenir que le recours à une proposition de loi et, partant, la non-application de l’article L. 1412-1-1 du CSP était constitutif d’un détournement de procédure. La loi soumise au contrôle du Conseil constitutionnel a donc été adoptée « selon une procédure conforme à la Constitution ».

Article L. 1412-1-1 du Code de la Santé Publique : « Tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d’un débat public sous forme d’états généraux. Ceux-ci sont organisés à l’initiative du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, après consultation des commissions parlementaires permanentes compétentes et de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

A la suite du débat public, le comité établit un rapport qu’il présente devant l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui procède à son évaluation.

 En l’absence de projet de réforme, le comité est tenu d’organiser des états généraux de la bioéthique au moins une fois tous les cinq ans. »

II. Les dispositions de la loi déférée ne méconnaissent pas l’objectif à valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi

Dans les considérants 9 à 11, le Conseil constitutionnel examine au fond les dispositions de la loi. Le point d’ancrage de l’argumentation des requérants semblait reposer sur les termes du I° – 4 de la loi au terme duquel « Le projet et les conditions de mise en œuvre du protocole respectent les principes éthiques relatifs à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires ». Que fallait-il entendre par « principes éthiques » et quels étaient-ils ? Le Conseil indique que par le biais de cette formulation floue, le législateur avait « entendu faire référence aux principes fixés notamment aux articles L. 2151-1 et suivants du code de la santé publique, relatifs à la conception et à la conservation des embryons fécondés in vitro et aux principes fixés notamment aux articles 16 et suivants du code civil et L. 1211-1 et suivants du code de la santé publique, relatifs au respect du corps humain ». En conséquence, les dispositions de l’article L. 2151-5 du CSP telles que modifiées par la loi déférée ne sont « ni imprécises, ni équivoques » et, partant, pas « contraires à l’objectif à valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ».

Par voie de conséquence, en « subordonnant au respect de ces conditions la délivrance de toute autorisation de recherche sur l’embryon humain ou les cellules embryonnaires issues d’un embryon humain, le législateur n’a pas confié à une autorité administrative le soin de fixer des règles qui relèvent du domaine de la loi ; qu’il n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence ».

III. Les nouvelles dispositions législatives comportent des garanties effectives encadrant la délivrance des autorisations de recherche sur les embryons

Dans le considérant 16, le Conseil constitutionnel détaille l’ensemble du dispositif légal ayant vocation à régir la recherche sur les embryons. Toute autorisation est subordonnée à la satisfaction des exigences posées au nouvel article L. 2151-5 du CSP. A défaut, « aucune recherche sur l’embryon humain ni sur les cellules souches embryonnaires ne peut être entreprise ». La délivrance des autorisations étant entourée de « garanties effectives », la loi n’est pas contraire au principe à valeur constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine pour le Conseil constitutionnel.

Lire la décision n°2013-674 DC du Conseil constitutionnel.

par Hadrien Picoche,
Etudiant en Master 2 Contrats Publics, Faculté de droit à Epinal (Université de Lorraine).


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2 réponses

  1. Triste jurisprudence qui vide de sa substance l’article L. 1412-1-1 du Code de la Santé Publique. De la même manière que les promesses n’engagent que ceux qui y croient, et non ceux qui les font, la parole du législateur ne l’engage en rien.

    Quant au fond… Il semble bien que, du temps où les conditions étaient trop « strictes » pour certains, le refus d’autorisation par l’ABM (l’organisme chargé de délivrer ces observations) ait été bien rare. Et même que la légalité de certaines autorisations a pu être contesté avec succès (cf http://thomasmore.wordpress.com/2013/07/16/5194/). C’est dire si les conditions étaient strictes et la vigilance de l’ABM rigoureuse… Dès lors, maintenant que le principe et l’exception ont été inversés, on imagine mal ce que valent les « garanties effectives » relevées par le Conseil constitutionnel. Comme souvent sur ce type de sujet, la jurisprudence du Conseil constitutionnel ou rien, c’est du kif.

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  1. Actualité bibliographique des revues de droit public : Juillet – Août 2013 « Les Chevaliers des Grands Arrêts

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