« C’est la première fois qu’un film montre le fonctionnement du pouvoir avec un tel souci de réalisme. » Ce mot de Pascal Perrineau, directeur du centre de recherches politiques de Sciences Po, exprime parfaitement ce que dégage l’Exercice de l’État, le film de Pierre Schoeller, sorti le 26 octobre dernier. Ce n’est n’est ni un documentaire, ni réellement une fiction. C’est un film qui essaye, et qui réussit, à montrer ce qui peut constituer la vie d’un ministre entre ambition personnelle, vie privée, convictions politiques et manœuvres gouvernementales.
Le ministre en question, c’est Bertrand Saint-Jean, ministre des transports joué par Olivier Gourmet. Ministre que Pierre Schoeller réussit à nous rendre humain, malgré les excès du pouvoir. Son directeur de cabinet, Gilles, est interprété par Michel Blanc. Ce « dircab » est l’incarnation la plus parfaite du haut fonctionnaire sorti de l’ENA qui a dévoué sa vie à l’État. Qui récite par cœur le discours d’hommage d’André Malraux pour le transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon, ému par la beauté des mots et par le ton lyrique de l’écrivain. Entourés de leur cabinet (dont Zabou Breitman en attaché de presse et Laurent Stocker en conseiller politique), ils font face aux évènements.
Pierre Schoeller réussit à dépeindre magnifiquement la vie quotidienne d’un ministère. L’importance des arbitrages budgétaires, le poids des déclarations de Matignon, la mainmise de l’Elysée, les affrontements entre ministres tiennent en haleine. Rien n’est oublié. Ni l’omniprésence des médias et des sondages, ni l’opportunisme des hommes politiques, ni les excès du pouvoir – affaires, magouilles, conflits d’intérêt et connivences – qui ne restent pas sans conséquence.
Si voir ces personnages évoluer dans ce monde est passionnant, que dire de certaines scènes qui poussent à une vraie réflexion : que répondre à la tirade de Woessner, haut-fonctionnaire désenchanté, comme tant d’autres ? Comment comprendre ce huis clos dans une caravane entre cette aide soignante indignée et ce ministre, qui parait alors à la fois si faible et si sûr de lui ?
Pour toutes ces raisons, il faut absolument voir l’Exercice de l’État.
Pour en savoir plus : La fiche du film sur Allocine – La critique du Monde – La critique de Télérama.
Et pour aller vers des manières alternatives de « faire de la politique », quelles pourraient être les méthodes? Changer la place de l’économie (davantage d’économie sociale et solidaire, moins de libéralisme), alors que transparaît en filigrane dans ce film la puissance des grandes sociétés du CAC40?
(s) Ta d loi du cine, « squatter » chez Dasola