Le nouveau concours de recrutement direct des magistrats administratifs

La salle de l'Assemblée du CE

La salle d’Assemblée du Conseil d’Etat

C’est en salle d’assemblée générale du Conseil d’État qu’avait lieu hier matin, 25 mars, la réunion d’information sur le concours de recrutement direct des magistrats administratifs (ancien concours de recrutement complémentaire aussi appelé concours TA-CAA). Le jury était presque au complet – il ne manquait que le professeur Benoit Delaunay – pour présenter le bilan de la dernière session du concours sous son ancienne mouture et pour préciser les contours de la nouvelle formule du concours. Les épreuves écrites du concours 2013 se dérouleront les mercredi 11 et jeudi 12 septembre prochains à la Maison des Examens à Arcueil. Au programme : un concours externe et un concours interne, de nouvelles épreuves, une difficulté accrue et un nombre de postes ouverts certainement en baisse. 

Le bilan du concours 2012

Quelques chiffres

Le président du jury a dressé un bilan chiffré rapide du concours 2012. Il a ainsi rappelé que comme les années précédentes, la session 2012 avait vu entre 600 à 700 inscrits, pour seulement 350 à 400 candidats ayant pris effectivement part aux épreuves écrites. Les candidats admissibles (60 cette année pour 30 postes ouverts) avaient en majorité moins de 30 ans et les femmes étaient légèrement plus nombreuses. Cette même proportion se retrouve parmi les admis, qui proviennent pour moitié d’Ile-de-France.

L’écrit

Concernant le sujet de dissertation 2012 « Les cours suprêmes en France » et face aux critiques qui lui avaient été présentées, le président du jury a expliqué que le sujet rentrait bien dans le programme du concours. Il a par ailleurs précisé que si le sujet était très riche (comme le prouve la correction proposée dans le rapport), il n’était pas obligatoire de « prendre position » dessus. En outre, la prise de position n’est pas pénalisée si elle est correctement argumentée. D’autres conseils ont été donnés par le jury : il faut soigner particulièrement la forme (attention à l’orthographe, à la syntaxe, au langage juridique), ne pas essayer de recaser des connaissances éloignées du sujet et bien lire et réfléchir sur l’intitulé du sujet.

Pour la note sur dossier contentieux, M. Schilte a rappelé qu’il n’y a pas de piège dans les sujets posés mais qu’il faut lire attentivement l’ensemble des pièces et faire le tri entre les pièces majeures et mineures. Pour cette année, il s’agissait d’un dossier qui avait pour cadre un contentieux traditionnel relatif à une demande d’autorisation d’occupation du domaine public. Comme il le fait chaque année dans son rapport, le jury a reprécisé qu’il ne faut pas s’arrêter à l’examen des questions préalables même si l’on conclue à l’incompétence ou à l’irrecevabilité au stade des questions préalables (M. Schilte a en outre pointé que lors des années précédentes aucun dossier contentieux proposé ne s’était conclu par une irrecevabilité, sans pour autant s’engager pour l’avenir sur ce point, bien entendu). Il ne faut pas non plus passer trop de temps sur les questions préalables : il faut être synthétique et passer un « temps certain sur le fond du dossier » selon Mme Pouyaud.

Pour une correction exhaustive de la dissertation et de la note de rapporteur, vous pouvez consulter le rapport du jury sur le site du Conseil d’État.

L’oral

Chaque candidat est interrogé par 3 membres du jury sur les 7. Les candidats doivent essayer de prendre de la hauteur par rapport aux questions, de les resituer dans un contexte juridique plus large. Cela permet d’apprécier la culture juridique générale des candidats, ainsi que leur capacité de raisonnement. Si le candidat répond « au ras de la question », le jury va être obligé de poser plus de questions sur le sujet et se montrer plus pressant. M. Schilte a rappelé que l’intitulé de l’épreuve permet au jury d’aller plus loin que la stricte appréciation des qualités en droit public du candidat : celui-ci doit avoir une culture générale et une connaissance de la vie administrative, politique, économique et sociale suffisante.

Mme Sichler-Ghestin a mis en garde contre l’attitude de certains candidats qui opposent une sorte de « joker » en répondant rapidement « Je ne sais pas » à une question posée. Cette position est mal reçue par les membres du jury : ils attendent une tentative de réflexion, même si les connaissances du candidat sont approximatives ou hésitantes. Cette attitude, prônée par de nombreux instituts de préparation, ne joue pas en faveur du candidat selon elle.

Enfin, concernant le rôle du magistrat judiciaire dans cet oral, M. Roth a précisé qu’il essayait surtout de tester les connaissances juridiques générales des candidats, en dehors de la sphère du droit et du contentieux publics.

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Les concours 2013 (entrée en fonction en 2014)

M. Schilte a présenté la nouvelle mouture du concours de recrutement direct des magistrats administratifs. Il y aura désormais un concours externe et un concours interne. L’attribution des places se fera normalement selon la proportion 60 % au concours externe / 40 % au concours interne. Si l’arbitrage n’est pas encore rendu, il est probable que seulement 25 places soient ouvertes pour le concours 2013 (contre 30 en 2012 et 40 en 2011) : 15 places en externe et 10 en interne. Le jury pourra, lors de sa délibération finale, choisir de moduler ce nombre de places en fonction du niveau de chacun des concours (dans la limite de 20 % des places). L’idée est que chaque concours reste le plus sélectif possible.

Le nombre de postes ouverts est lié aux places qu’il y a dans le corps. Tous les postes dans le corps étant actuellement pourvus, ce sont uniquement les départs à la retraite qui sont remplacés. Il y a 4 modes d’accès au corps des conseillers de TA et de CAA : les élèves issus de l’ENA / les nominations au tour extérieur / le détachement / le concours. La modulation n’a lieu que sur les deux derniers modes de recrutement à il est donc fortement probable que pour les années à venir les places ouvertes au concours n’augmentent pas.

La création du concours interne s’explique par le fait que la quasi-totalité des concours de la fonction publique fonctionne sur ce modèle concours externe / concours interne aujourd’hui. C’était donc presque devenu une obligation pour les juridictions administratives de proposer deux concours différenciés.

Pour 2013, l’avis de concours paraitra au mois de mai. Les inscriptions seront ouvertes à la même date. Les écrits auront lieu les mercredi 11 et jeudi 12 septembre 2013 à la Maison des Examens à Arcueil (comme l’an dernier).

Les conditions pour concourir

Pour le concours externe, les diplômes requis sont les mêmes qu’anciennement. Seule la condition d’âge est supprimée.

Pour le concours interne, il faut appartenir à un corps de catégorie A ou assimilé au jour de la première épreuve et avoir effectué 4 ans de service effectif (pas forcément dans un corps de catégorie A ou assimilé). Pour les agents titulaires, le temps partiel est assimilé comme un temps complet ; pour les agents non titulaires, il est décompté au temps réel effectué. Sont notamment pris en compte pour ces 4 ans, les stages de formation effectués lors des années en école (type IRA) ainsi que les années de service national.

Les épreuves

Le nombre d’épreuves a été augmenté pour rendre plus facile la sélection : sinon il est parfois très difficile au jury de départager les candidats. Certaines épreuves n’ont pas été retenues mais ont été évoquées : épreuve de langues ; entretien avec un psychologue.

À l’écrit

L’épreuve sur dossier contentieux ne change pas. Seul son coefficient passe à 3.

Une épreuve de questions à réponses courtes portant sur des sujets juridiques, institutionnels ou administratifs est créée. Les copies seront formatées de telle sorte que la place pour répondre à chaque question sera limitée. Ainsi le candidat disposera d’un quart, d’une demi-page ou d’un huitième de page pour répondre à la question (la place laissée variera en fonction des questions). Le jury veut ici évaluer la réactivité du candidat et sa capacité à synthétiser sa réponse pour l’adapter aux exigences formelles. M. Schilte a expliqué que les questions posées pourraient être des questions « sèches » du type « Le préfet ». Il y aura certainement entre 3 et 12 questions posées. Le coefficient de cette épreuve est de 1.

Pour le concours externe, l’épreuve de dissertation n’est pas modifiée, à l’exception du programme qui est légèrement remanié. Son coefficient reste de 1.

Pour le concours interne, une nouvelle épreuve est créée : il s’agit d’une note administrative sur un cas pratique de nature juridique. Il ne s’agit pas d’une note de synthèse : l’ensemble des éléments permettant de répondre aux attentes ne sera pas présent dans le dossier. Ainsi cette épreuve suppose des candidats certaines connaissances en droit ou contentieux administratif. Par exemple : si le cas pratique porte sur le retrait d’un acte administratif, la jurisprudence récente en matière de retraits des actes administratifs ne sera pas forcément au dossier et le candidat devra la connaître. Le candidat devra également avoir une bonne connaissance des instruments administratifs des politiques publiques. Le coefficient sera de 1.

À l’oral

L’oral de droit public n’est pas modifié. Son coefficient est de 2.

Un oral d’entretien est créé parallèlement avec un coefficient de 2. Il visera à évaluer le parcours du candidat, sa motivation, les connaissances qu’il a du métier de magistrat administratif… Cet entretien s’effectuera sur la base d’une fiche individuelle préalablement remplie par chaque admissible : cette méthode est déjà utilisée dans d’autres concours tel celui de l’ENM. L’épreuve durera 20 minutes. Pendant cet entretien, les connaissances du candidat sur la déontologie des magistrats seront évaluées. Le jury essaiera de mieux connaître le candidat, de s’assurer qu’il fera un bon magistrat, qu’ « il en connaît les servitudes », qu’il saura s’insérer dans une équipe.

Le jury sera le même pour les deux oraux. Chaque candidat admissible sera convoqué pour une seule journée : le matin aura lieu l’oral de droit public, l’après midi l’entretien.

En rouge les nouvelles épreuves.

En rouge les nouvelles épreuves.

Le programme du concours

Pour la dissertation et la note contentieuse, le programme ne change pas à l’exception de l’inclusion du droit des étrangers : il faudra en connaître les grandes lignes.

Pour la note administrative, les QRC et l’oral de droit public, le programme est modifié. Il est donné par l’article 3 de l’arrêté. Il inclut notamment les instruments administratifs des politiques publiques : ce terme désigne les outils qu’utilise au jour le jour l’administration et qui font partie du quotidien du juge administratif. Ainsi il faut connaître ce qu’est un PLU, un permis de construire, le DALO, un programme local d’habitat, ce que sont les agences régionales de santé (ARS), etc. Le programme comprend également la fiscalité : typologie des impôts ; principaux impôts de l’État ; procédure d’imposition. Il ne s’agit pas d’être des experts de la procédure d’imposition par exemple, encore une fois il faut seulement en connaître les grandes lignes. Concernant les notions fondamentales de droit pénal, de procédure pénale, de droit civil et de procédure civile, c’est aussi la même optique : les grandes notions, les grands principes doivent être connus. Un petit manuel suffit donc pour les appréhender.

Le président Schilte a expliqué que plusieurs matières avaient été épargnées aux futurs candidats : droit commercial, droit des affaires, droit social, droit de la concurrence… Enfin, pour conclure son propos, le jury a rappelé, comme l’an dernier, que le concours se voulait difficile. Il donne accès à un corps de l’ENA, et doit donc être d’un niveau suffisant.

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Questions diverses

1. Quelles sont les exigences particulières relatives à la déontologie et aux qualités du magistrat ?

S’agissant de la déontologie, il faut connaître la charte de déontologie des membres de la juridiction administrative. Pour les qualités attendus d’un magistrat : il faut connaître le futur métier, il faut savoir appréhender les questions importantes qui se posent devant le magistrat mais aussi savoir traiter un contentieux parfois répétitif. Il faut que le magistrat ait aussi une humilité suffisante pour discuter, argumenter lors des séances d’instruction et, s’il est mis en minorité, il faut qu’il sache se plier à la décision de la majorité.

2. Quelles sont les exigences particulières de l’entretien pour les candidats du concours interne ?

Le jury cherchera à savoir si le candidat sera capable de s’extraire du rapport hiérarchique, s’il sera capable de changer radicalement de position dans certains domaines (par exemple s’il a travaillé en préfecture, il faudra absolument changer de perspective).

3. Sur la création d’une épreuve de langues

Le président du jury a noté que l’épreuve de langues n’a pas été retenue malgré l’insistance de nombreuses personnes. Il n’est toutefois pas impossible qu’une nouvelle réforme du concours ait lieu dans 5-6 ans pour l’ajouter. L’idée est de permettre aux fonctionnaires voulant passer le concours interne et qui ne sont pas forcément très à l’aise avec cette épreuve de langues de le faire maintenant, avant qu’elle ne soit mise en place.

4. Sur le nombre de présentations au concours

Chaque candidat pourra passer ce concours 3 fois, tous modes confondus (par exemple 3 fois le concours externe / 3 fois le concours interne / 2 fois en externe et 1 fois en interne…).

5. Sur les candidats handicapés

Il y a un tiers temps qui est possible pour les candidats handicapés qui en font la demande, documents justificatifs à l’appui.

6. Est-il envisagé la création d’une préparation interne au concours interne sur le modèle de ce qui se fait pour l’ENA ?

Non, le Conseil d’État n’a jamais organisé de préparation au concours et ne compte pas le faire. Il y a c’est vrai au CFJA des points de préparation pour les personnes travaillant déjà dans les juridictions administratives mais ce n’est pas une véritable préparation.

7. Sur la séparation concours externe / concours interne

M. Roth a souligné la grande fluidité et la grande souplesse laissées aux candidats du concours, contrairement à ce qui peut être fait pour les différents concours de l’ENM notamment. Ainsi, le jury est le même pour les deux concours. Rien n’empêche un candidat de la fonction publique de passer le concours en externe alors même qu’il pourrait le passer en interne. Le président Schilte s’est félicité de cette flexibilité laissée aux candidats.

8. Sur les instituts de préparation

Mme Sichler-Ghestin a mis en garde contre le formatage possible dans ces instituts. Il faut conserver sa particularité, afin d’éviter d’avoir les mêmes développements dans toutes les copies, notamment en dissertation. M. Schilte a précisé qu’il ne s’agissait pas de connaître par cœur des jurisprudences si on ne les connaissait pas en profondeur : il faut s’approprier les arrêts en connaissant notamment les faits, pas seulement la solution à la question de droit.

9. Sur les trous dans le parcours professionnel

Ce n’est pas parce qu’un parcours professionnel comportera des trous qu’il sera pénalisé. L’important est de les justifier et de se préparer aux questions à ce sujet.


Pour tout savoir sur le concours de recrutement direct des magistrats administratifs :



Catégories :Formations / Cursus / Concours, Métiers du Droit

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8 réponses

  1. Merci beaucoup pour ce compte rendu, il est très complet et très clair.
    Ce qui ressort très clairement, c’est que l’accès au concours est encore plus difficile qu’avant. Pour le concours externe, je vois difficilement comment pourront s’en sortir des étudiants de master 2 en droit qui viennent juste de sortir de l’université, même s’ils ont bénéficié d’une bonne préparation. Je vois plutôt les avocats et les doctorants comme susceptibles de réussir ces épreuves, qui demandent une longue pratique du droit public.

    La sélectivité du concours n’a plus rien à envier à celle de l’ENA, c’est l’objectif de la réforme: aligner le taux d’admis sur celui de l’ENA, puisque l’ENA forme également des magistrats aux TA et CAA.

    Tout cela n’enlève rien à l’attrait de ce concours.

    m/

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