Le grand oral de l’ENM : nous y sommes allés pour vous !

Article ENM 1

Suite à sa fondation en 1958, l’accès à l’Ecole Nationale de la Magistrature (ou ENM) qui forme les magistrats avait très peu été modifié jusque dans les années 2000 [1]. Une rénovation globale a été engagée avec la loi organique du 5 mars 2007 qui a réformé tant le recrutement que la formation initiale et continue. La philosophie du recrutement est désormais recentrée autour des qualités humaines des magistrats et de leurs capacités d’ouverture [2]

D’abord, nous allons effectuer un retour sur les concours d’entrée à l’ENM.

I. Les concours d’entrée à l’ENM

Il existe trois concours d’entrée à l’ENM.

Pour le premier concours, le candidat doit être âgé de 31 ans au plus et titulaire d’un diplôme de niveau Bac +4 ou d’un diplôme d’un institut d’études politiques ou certificat attestant la qualité d’ancien élève d’une école normale supérieure.

Pour le deuxième concours, le candidat doit avoir moins de 46 ans et 5 mois et justifier de quatre années de service public.

Pour le troisième concours, le candidat doit être âgé de moins de 40 ans et justifier de huit années d’activité professionnelle dans le domaine privé, d’un mandat d’élu local ou de l’exercice de fonctions juridictionnelles à titre non professionnel.

Le nombre de présentations est limité à trois par type de concours.

Les épreuves écrites (ou épreuves d’admissibilité) comprennent une épreuve de connaissance et compréhension du monde contemporain [3], deux épreuves de droit civil ou procédure civile [4], deux épreuves de droit pénal ou procédure pénale [5] et une épreuve d’organisation de l’Etat, organisation de la justice, liberté publique et droit public [6]. Celles-ci se déroulent au mois de juin [7].

Après les épreuves d’admissibilité, la liste des candidats admissibles est publiée sur le site de l’ENM [8]. Ces candidats devront se présenter à l’ENM à Bordeaux pour y subir les examens d’admission. Ceux-ci comprennent une note de synthèse d’une durée de cinq heures, un oral d’anglais obligatoire, un oral de langue facultatif, un oral de droit européen et droit international privé, un oral de droit social et droit commercial et l’épreuve dite de « grand oral ». Ces épreuves, qui sont publiques [9], se déroulent de septembre à décembre et les résultats interviennent à la fin du mois de décembre.

Façade de l’Ecole Nationale de la Magistrature, située à Bordeaux.

Façade de l’Ecole Nationale de la Magistrature, située à Bordeaux.

Depuis la réforme du concours, les épreuves d’admission font place à des tests psychologiques et un entretien avec un psychologue visant à évaluer les traits de personnalité des candidats, leurs prédispositions et certaines facultés personnelles [10].

L’épreuve dite de « grand oral » a également été modifiée : elle comprend dorénavant un exercice de groupe appelé « mise en situation » (II) et est suivie d’un entretien individuel (III).

II. La mise en situation

Il s’agit d’un mode d’accès privilégié à l’identification des comportements et des compétences ainsi qu’aux modes d’influence du groupe sur les comportements individuels. Ce type d’exercice a pour origine les travaux réalisés par l’armée allemande avant la seconde guerre mondiale pour la sélection des candidats officiers [10].

Comment se déroule cette épreuve ?

Trois ou quatre candidats sont réunis autour d’une table et doivent traiter une situation contenue sur une page maximum, sans préparation. L’un des candidats, délégué par ses camarades, tire au sort le sujet. Le président du jury donne lecture du sujet, qui ne doit pas excéder une page, aux candidats qui sont réunis autour d’une table. La mise en situation consiste à donner aux candidats les éléments d’une situation concrète, un rôle précis qui leur est dévolu et une directive précise les mettant en situation de prendre une décision ou de choisir une orientation. Ceux-ci doivent traiter de la situation exposée en 30 minutes maximum.

Les membres du jury n’interviennent pas dans les échanges entre les candidats. Les candidats exposent devant le jury pendant trente minutes les éléments qui leur permettent d’analyser la situation et son contexte, le cheminement de la prise de décision ou le contenu de celle-ci ou une orientation.  Les candidats procèdent à un échange leur permettant d’exposer leurs points d’accord ou de désaccord et se répartissent librement la parole. Il s’agit ici « de tester les candidats dans un contexte relationnel et de juger leur capacité à travailler en groupe » [10]. Il s’agit « d’appréhender l’implication du candidat, son écoute, sa dynamique personnelle, son aisance, sa fluidité, son style personnel, ses comportements sociaux, son adaptation à l’autre, sa force de proposition et de persuasion » [10].

Exemple de sujet donné à la session 2013 du premier concours d’entrée à l’ENM [11] :

« Vous êtes journalistes d’investigation. Vous rencontrez en entretien dans son bureau une personne qui, bien que non concernée directement, détient des informations importantes pour un article que vous écrivez mais ne semble pas disposée à vous les communiquer. La personne s’absente pendant quelques minutes et sur son bureau figure, face visible, un document qui semble être le document que vous cherchez. Que faites-vous ? »

Les trois ou quatre candidats échangent entre eux sur la solution à apporter à la situation qui leur a été soumises. Cette épreuve est suivi d’un entretien individuel de chacun des candidats, appelé tout à tour par ordre alphabétique.

III. L’entretien individuel

Le candidat dispose de trente minutes de préparation sur un sujet tiré au sort et de quarante minutes de présentation, temps qui comprend son exposé de cinq minutes sur la question et un entretien de trente-cinq minutes avec les sept membres du jury. Le sujet est une question d’actualité posée à la société française, une question de culture générale ou judiciaire.

L’entretien vise à évaluer le profil et les motivations du postulant.

Depuis la modernisation du concours, le jury comprend un spécialiste du recrutement et un psychologue qui, à l’aide des tests psychologiques, apporte une lecture des traits caractéristiques de la personnalité du candidat. Selon l’ouvrage de Frédéric DEBOVE [10], l’esprit fondamental de la réforme insiste davantage sur la prise en compte de la dimension humaine, sachant que les connaissances juridiques et culturelles sont largement évaluées dans d’autres épreuves.

Exemples de sujets donnés à la session 2013 du premier concours d’entrée à l’ENM :

Sujet n°1 : « Accidents et catastrophes ferroviaires se sont multipliés cet été. Qu’en pensez-vous ? »

Sujet n°2 : « Cryptologie et vie numérique »

Sujet n°3 : « armes chimiques et armes de destruction massive. Que pouvez-vous en dire ? »

Sujet n°4 : « La justice doit-elle être gratuite ? »

Il nous a semblé possible de dégager certaines lignes directrices dans l’entretien.

D’abord, un ou plusieurs membres du jury reviennent sur l’exposé qui a été fait par le candidat pour lui demander certaines précisions ou lui poser des questions en rapport avec le sujet.

Ensuite, l’un des membres du jury revient sur le parcours universitaire du candidat.

Certains candidats ont été interrogés sur leurs résultats précédents au concours (pour ceux qui s’étaient déjà présentés) et sur les autres concours qu’ils avaient préparé.

Les candidats ont été interrogés sur les stages qu’ils ont effectués, notamment les stages en juridiction.

Les candidats ont été interrogés sur leur motivation pour devenir magistrat, sur les fonctions qui les intéressaient au sein de la magistrature, leurs qualités et leurs défauts pour exercer cette fonction, leurs attentes vis à vis du métier de magistrat.

L’un des membres du jury revient sur le rôle du candidat dans la mise en situation.

Des questions diverses ont ensuite été posées aux candidats selon le temps restant : loisirs, lectures, filmographie, régions ou pays appréciés par eux, etc.

Par Marion Coudurier,
auditrice de justice.

Pour plus d’informations sur ces concours, vous pouvez consulter le site Internet de l’ENM.


[1] A l’exception de quelques modifications effectuées en 1990.

[2] Selon l’ouvrage dirigé par Frédéric DEBOVE, Magistrat, spécial concours ENM, édition Dalloz, collection Sirey, avril 2010.

[3] Il s’agit d’une dissertation de cinq heures.

[4] Il s’agit d’une dissertation de cinq heures et d’un cas pratique de deux heures.

[5] Il s’agit d’une dissertation de cinq heures et d’un cas pratique de deux heures.

[6] Il s’agit de questions appelant des réponses courtes d’une durée de deux heures.

[7] Pour le concours 2013, les écrits se sont déroulés du 10 Juin au 14 Juin.

[8] Pour le concours 2013, cette publication a été effectuée le 24 juillet.

[9] Il est possible de s’inscrire au préalable auprès de l’ENM pour assister aux épreuves, dans la limite des places disponibles ainsi que dans la limite d’une demi-journée par personne et par type d’épreuve.

[10] Selon l’ouvrage dirigé par Frédéric DEBOVE, Magistrat, spécial concours ENM, édition Dalloz, collection Sirey, avril 2010.

[11] En raison de la rapidité de lecture de l’énoncé, il ne nous a pas été possible de reproduire l’intitulé exact du sujet de mise en situation mais nous avons tâché d’en restituer les éléments essentiels avec le plus d’exactitude possible.



Catégories :Formations / Cursus / Concours, Métiers du Droit

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13 réponses

  1. d’une manière ou d’une autre, le concours de l’ENM reste l’expérience la plus éprouvante que j’ai connue …

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