Compte-rendu de la réunion d’information sur les concours de recrutement direct de magistrats administratifs

Tribunal administratif de Cergy-Pontoise

Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise

Le 14 mars 2014, la réunion d’information sur les concours de recrutement direct des magistrats administratifs a eu lieu en salle d’Assemblée du Conseil d’Etat, au Palais royal. Comme chaque année, ce fut l’occasion pour le jury de revenir sur la dernière édition des concours et de donner quelques informations sur la prochaine.

La session 2013 (au titre de 2014) fut la première depuis la réforme du concours. Ainsi, 16 candidats ont été admis au concours externe et 9 au concours interne. Il est à noter que cette session fut la dernière édition du concours sous la présidence de M. André Schilte, qui est remplacé pour le prochain concours par Mme Odile Piérart, qui lui a succédé à la tête de la Mission d’inspection des juridictions administratives (cf. l’organigramme du Conseil d’Etat).

Le jury a donc tiré un long bilan de l’édition 2013 (au titre de 2014) avant de présenter quelques détails de la prochaine édition. 

Le bilan de l’édition 2013 des concours

Le jury a remarqué un nombre d’inscrits inférieurs aux années précédentes. Cela est assez logique puisqu’il s’agissait d’un nouveau concours et qu’il y avait moins de places disponibles que les années précédentes. Il s’agit ainsi du nombre le plus faible des 10 dernières années. Cependant, la proportion inscrits / postes ouverts constitue le ratio le plus élevé des 5 dernières années.

Présents : il y a eu très peu de défections entre la 1ère épreuve et la dernière épreuve. Sur les 304 présents à la fin, il y avait 12,3 candidats par poste ouvert pour le concours externe (1/16 pour le concours externe de l’ENA à titre de comparaison) et 11,4 candidats par poste ouvert pour le concours interne (1/10 pour le concours interne de l’ENA à titre de comparaison).

Il fallait une moyenne de 12 pour être admissible (60,5 points pour externe ; 58,5 pour le concours interne) cette année. Le jury a précisé que la barre d’admissibilité était fixée au regard de deux considérations : avoir assez d’admissibles, mais pas trop. Le jury se fixe chaque année comme ordre d’idée d’avoir environ 2 fois plus d’admissibles que de postes. Ainsi la barre d’admissibilité a peu évolué : elle se situe toujours aux alentours de 12.

Le jury a utilisé la possibilité qui lui est offerte de rebasculer un poste de l’interne sur l’externe. Ce basculement s’est fait car il est apparu au jury que le premier non-admis du concours externe était meilleur que le dernier admis du concours interne. Il s’agissait ainsi uniquement d’une considération de qualité des derniers candidats. Avec cette modulation, on a pour le concours externe une sélectivité de 8,6% sur les présents à la fin des épreuves et de 7,5% pour les internes.

Il a été précisé que pour les épreuves communes, il n’y avait pas de distinction pour la correction entre internes et externes. Les copies sont corrigées par les mêmes correcteurs et elles ne sont pas différenciées entre concours interne et externe.

Enfin le jury a été unanime pour dire que le fait d’augmenter le nombre des épreuves est une bonne chose, car cela permet de créer des écarts entre les candidats.

Les épreuves écrites

Le jury a renvoyé, pour la correction détaillée de chacune des épreuves, à son rapport disponible sur le site du Conseil d’Etat.

Les Questions à Réponse Courte (QRC)

Il y a eu quelques turbulences sur le nombre de questions car le jury a décidé de ne poser que 3 questions et que certains candidats pensaient qu’il y en aurait beaucoup plus. L’idée du jury est de demander aux candidats de bâtir rapidement un raisonnement, avec un plan. Il ne faut pas un récitage automatique des connaissances. La nouvelle présidente du concours a précisé qu’il y aurait à l’avenir au moins 3 questions, mais surement pas plus de 10 questions.

Sur les sujets de cette année, les notes ont été plus faibles que pour la dissertation, avec notamment dans les admis une note de 6 aux QRC.

  • Sur l’écran législatif : il fallait se demander ce que c’était, quels en étaient les différents aspects. Il fallait mobiliser la jurisprudence adéquate.
  • Sur l’exception de recours parallèle : question difficile mais normal pour un concours de recrutement de magistrat administratif.
  • Sur la présomption de faute : il manquait le plus souvent les hypothèses classiques de présomption de faute.

Chaque question a le même barème à 1/3 des points par question. Il n’est pas nécessaire de formuler expressément une problématique, mais il est nécessaire que la réponse contienne une définition, une illustration, une tentative de mettre en perspective la question (pourquoi elle se pose ?). Le jury n’attend pas la formulation d’une problématique comme pour la dissertation, mais il faut une structuration de la réponse. Attention, quelques copies avaient un style trop télégraphique.

La Dissertation (pour le concours externe)

L’idée était de montrer la capacité à mobiliser des connaissances très éparses pour arriver à voir l’étendue, la diversité des avis en droit public. Cela supposait de ne pas réduire le sujet, dès le départ. Il y avait une réflexion à mener sur la notion même d’avis (cf. le rapport du jury). L’avis est un modèle de la consultation en droit public et au contraire, est un contre-modèle de la décision en droit administratif. Cela imposait de rentrer également un peu dans la science administrative : l’importance de la procédure de consultation devait être rendue dans les copies (exemple des différentes commissions).

Sur le plan formel, l’importance de la construction des copies a été rappelée. Cela passe par une orthographe et une syntaxe non défaillantes mais aussi par la mise en perspective du sujet. Il faut donc soigner les transitions en montrant que la progression est logique.

Le jury a précisé, suite à une question, qu’il n’y avait pas réellement de différence entre la dissertation de droit public de l’ENA et celle du concours de recrutement direct. C’est une dissertation classique de concours de type catégorie A / A+.

La Note administrative (pour le concours interne)

Cette note faisait suite à la réforme du contentieux de l’urbanisme. M. André Schilte considère que le sujet n’était pas hors programme, il ne s’était pas engagé à ce que le droit de l’urbanisme ne soit pas au programme. Le sujet n’était pas forcément difficile. Le jury avait décidé d’un barème, dans lequel la note comptait pour 14 points, 4 points pour les questions et 2 points pour l’orthographe, la syntaxe, etc. (cf. le rapport du jury).

Sur la 1ère partie (présentation des innovations), un des travers constatés a été que les candidats ont passé trop de temps à présenter les dispositions qui n’avaient pas été modifiées. Ensuite, sur la 2nde partie, l’analyse de la jurisprudence est essentielle dans ce type d’épreuve.

Concernant la longueur de la note administrative, le jury a précisé que dès lors que le contenu est bon, un travail n’est jamais trop long. Il faut que la note soit ordonnée, construite, qu’elle s’attache à l’essentiel, mais il n’est jamais mauvais d’indiquer le maximum de détails possibles. Il n’est pas rare que les très bonnes copies soient très longues, mais ce n’est pas une obligation.

Sur l’appréciation générale des copies, les notes ont été plutôt bonnes. Les candidats n’ont pas été surpris, il n’y a donc pas lieu d’avoir peur de cette épreuve.

Enfin concernant la longueur du dossier, la nouvelle présidente ne s’engage pas pour l’avenir. Il faut que le dossier soit traitable dans le temps de l’épreuve mais il ne faut pas noyer les candidats, il faut juste les départager. L’idée était de ne pas en faire une note de synthèse type IRA / ENA / etc. L’idée était d’être très opérationnel et de déboucher sur des propositions. Le jury a rappelé qu’il fallait apporter ses connaissances personnelles, bonifier les documents, etc. Il faut apporter au dossier une valeur ajoutée.

La Note de rapporteur sur un dossier contentieux

Le dossier était difficile à traiter. C’est voulu et assumé par le jury qui souhaite des épreuves très sélectives. C’était la deuxième fois que le dossier appelait une réponse d’irrecevabilité, mais il était expressément demander d’aller au fond. L’intitulé du sujet le rappelait et le jour de l’épreuve, Franck Etienvre l’avait précisé au micro dans la salle avant le début de celle-ci.

Il y avait des pièges. Pour l’examen des questions posées, le jury a renvoyé à la correction dans son rapport.

Ce qui était important, c’était d’examiner les questions dans le bon ordre :

  • Compétence (avec 3 sous-questions).
  • Recevabilité (question importante autour de la recevabilité des conclusions).
  • Fond (difficulté d’identifier les moyens au fond).

Le dossier présentait donc un certain nombre de difficultés et le jury a été sensible à cette difficulté, avec un barème adapté. Les notes n’ont donc pas été mauvaises. Certaines copies ont été trop longues sur certains points : il faut être plus bref.

Les épreuves orales

Pour la première fois, il y avait deux épreuves orales et non plus une seule.

L’épreuve orale de droit public

Il faut d’abord faire attention à la durée de l’exposé : 10 minutes, pas 5 ni 15. Certaines questions reviennent d’une année à l’autre et il faut donc faire attention aux plans types diffusés par certaines préparations au concours. Il faut également faire attention au débit : ne pas aller trop vite ni trop lentement.

Quand on pose une question, il faut essayer de ne pas répondre au ras de la question. Cela a déjà été dit les années précédentes. Plus les candidats répondent au ras de la question, plus le jury leur pose de questions. Quand on ne sait pas, il faut faire attention : essayer de construire un raisonnement en admettant qu’on ne sait pas vraiment. Exemple sur les chiffres qui peuvent être demandés.

Il y a eu une utilisation limitée, pour l’instant, de l’extension du programme (droit pénal / droit civil notamment). Au fil des ans, ces questions pourraient être plus fréquentes.

M. le professeur Benoît Delaunay a rappelé l’importance du débit mais aussi du ton : il faut mettre de la vie dans les exposés. Glisser certaines pistes dans l’exposé peut être une bonne idée, mais il faut faire attention. Il a déploré un manque de culture historique chez les candidats qui avaient des difficultés pour resituer certaines périodes de l’histoire.

Chaque candidat est interrogé par 3 membres du jury :

  • Le premier creuse sur le sujet de l’exposé.
  • Les deux autres posent des questions très différentes.

Le président a précisé qu’il n’y avait pas de barème défini entre exposé et questions, qu’il s’agissait d’une appréciation générale des connaissances des candidats.

L’Entretien de motivation

C’est une nouvelle épreuve, qui peut être parfois critiquée mais qui se généralise dans la plupart des concours. Il s’agit du même jury qui a une même appréciation globale sur les candidats. Ce qui s’est passé le matin est bien entendu pris en compte mais on ne revient pas dessus. Sur l’enchainement des deux épreuves, le jury a expliqué qu’il y avait eu des cas de brillant le matin et très décevant l’après midi. C’est pour cela que c’est intéressant d’ailleurs. La qualité principale du magistrat administratif, c’est l’humilité.

Il n’y avait pas beaucoup d’originalité, notamment sur les motivations. Sur les parcours, sur les expériences à côté du droit, il n’y a pas non plus eu beaucoup d’originalité. Les candidats doivent réfléchir sur leurs points « saillants ». Le jury va forcément s’y intéresser : ne pas en rajouter, ne pas mentir.

Sur cette épreuve, le président a essayé de mettre en difficulté les candidats, pour voir comment ils réagissaient sur ce qu’ils disaient, sur des mises en situation. Exemple d’une questions posée : « J’ai connu un président qui signait en rouge à chaque fois qu’il était mis en minorité. Dans une telle situation, que faîtes-vous ? ». Cela permet de vérifier comment les candidats réagissent, s’ils se mouillent un peu. Le jury est unanime pour dire que cette épreuve est très utile.

Mme Séverine Larère a précisé qu’il ne faut pas avoir peur des questions où on demande l’avis du candidat. Plusieurs réponses sont possibles : il ne faut pas être réticent à le donner.

Avec la disparition de la condition d’âge, il y a eu des candidats très jeunes, brillants, mais qui manquaient parfois de maturité, eu égard aux responsabilités des magistrats. Le jury a pu le prendre en compte. 

Enfin, le jury n’a pas connaissance des notes aux épreuves écrites lorsqu’il fait passer les deux épreuves orales. Il n’a pas non plus connaissance de la réponse du candidat à la question posée sur le formulaire d’inscription relative au suivi d’une préparation au concours. Cette case n’est là que dans un but purement statistique.

L’édition 2014 au titre de 2015

M. André Schilte a tout d’abord fait un aparté sur la procédure de nomination au tour extérieur des magistrats administratifs (il s’agit d’une autre voie d’accès au corps des magistrats administratifs pour les fonctionnaires de catégorie A : cf. le site du Conseil d’Etat) : pour des candidats qui ont échoué au concours, les candidats ne sont jamais admis au tour extérieur dans un délai d’environ 3 ans (et cela se fait au niveau de la présélection).

Le concours 2014 au titre de 2015 aura lieu les mercredi 10 et jeudi 11 septembre 2014, à la Maison des examens à Arcueil. Il y aura au moins 3 questions à l’épreuve de QRC mais pas énormément plus (Mme Odile Piérart s’est engagé à ce qu’il n’y en ait certainement pas plus de 5). Les inscriptions seront ouvertes au mois de mai.

25 postes seront ouverts, comme l’an dernier (15 en externe et 10 en interne). Concernant les futurs concours, le jury a précisé qu’on peut penser qu’on restera dans le même ordre de grandeur. On est à un niveau qui devrait rester stable pour plusieurs années.


Pour plus d’informations sur ces concours :



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6 réponses

  1. Merci beaucoup pour ce compte rendu très instructif ! Il complète bien le rapport du jury.

  2. Tout d’abord merci pour ce compte-rendu.
    Ensuite, à la fin de votre CR, lorsque vous rapportez les propos de M. Schilte sur les candidats ayant échoué au tour extérieur*, vous nous signifiez qu’en cas d’échec il est peine perdue de tenter le concours l’année d’après ? Et ce pendant 3 ans ?

    *[M. André Schilte a tout d’abord fait une observation sur le tour extérieur : pour des candidats qui ont échoué au concours, les candidats ne sont jamais admis au tour extérieur dans un délai d’environ 3 ans (et cela se fait au niveau de la présélection).]

    • Non, cela ne concerne que la procédure de nomination au tour extérieur, pas les concours. C’est une voie de recrutement des magistrats administratifs qui s’adresse uniquement aux fonctionnaires de la fonction publique territoriale ou hospitalière, sous réserve notamment d’appartenir à un corps de catégorie A et de justifier de certaines conditions d’ancienneté et de grade.
      En gros, si vous vous êtes présenté aux concours de recrutement direct, vous ne pouvez, avant un certain délai, postuler à cette voie de nomination au tour extérieur. Voir à ce sujet, les différentes voies de recrutement des magistrats administratifs sur le site du Conseil d’Etat : http://www.conseil-etat.fr/fr/concours-2/.

Rétroliens

  1. Inscriptions et places ouvertes aux concours de recrutement direct des magistrats administratifs « Les Chevaliers des Grands Arrêts
  2. Les résultats d’admissibilité des concours 2014 de recrutement direct des magistrats administratifs | Les Chevaliers des Grands Arrêts

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