#4. Le Sénat constitue un réel contre-pouvoir
Dans un article au Monde daté du 23 juin 1999 (« Affaiblir le Sénat, c’est fragiliser la démocratie »), Christian Poncelet, alors président du Sénat, démontrait que depuis le début de la Ve République, le Sénat avait constitué un vrai contre-pouvoir au Gouvernement et à l’Assemblée nationale. Il expliquait ainsi que même en cas de concordance apparente des majorités entre les deux chambres, le Sénat avait su « dire non à un gouvernement proche de sa sensibilité » car « il n’a pas, comme doit le faire la majorité, à soutenir le gouvernement ». Cette absence de lien de confiance entre la chambre et le Gouvernement joue également en cas de divergence des majorités entre le Sénat et l’Assemblée. Dans ce cas, la majorité sénatoriale n’a pas non plus un devoir de s’opposer systématiquement aux projets de loi de la majorité gouvernementale.
« Ni soutien, ni opposant, le Sénat a pour vocation de porter un regard différent sur les décisions du gouvernement, afin que le Parlement délibère en connaissance de cause ». Ce rôle parait essentiel à l’effectivité de notre démocratie. Cependant, il est subordonné à une réelle indépendance des sénateurs par rapport aux partis politiques et notamment à leur état major, afin que les sénateurs ne doivent pas leur élection à la majorité gouvernementale, ou au contraire à l’opposition. Or, ce n’est pas forcément le cas, si l’on observe la tendance des dernières années. A cet égard, il convient de garder en mémoire la remarque du regretté Guy Carcassonne dans sa Constitution commentée :
« Autant le bicaméralisme est intrinsèquement justifié, autant il rendrait des services plus signalés si la seconde chambre cessait d’être une caricature hémiplégique de la première, reproduisant les mêmes clivages en les outrant, recrutant à peu près les mêmes élus à un stade différent de leur carrière, pratiquant les mêmes disciplines et les mêmes solidarités, mais dans un sens politique toujours unilatéral. »
Dans ce cadre, l’extension du mode de scrutin proportionnel par rapport au mode de scrutin majoritaire dans les départements pour les élections sénatoriales n’est pas de nature à renforcer l’indépendance des sénateurs. Au contraire, elle les fait rentrer un peu plus dans ces clivages que dénonçait Guy Carcassonne. Si le Sénat veut conserver son rôle de contre-pouvoir, il doit se détacher un peu plus de la hiérarchie des partis politiques.
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