Compte-rendu de la réunion d’information sur les concours de recrutement direct de magistrats administratifs

Conseil d'EtatComme chaque année au mois de mars, la réunion d’information sur les concours de recrutement direct des magistrats administratifs a eu lieu en salle d’Assemblée générale au Conseil d’Etat vendredi dernier. Ce fut l’occasion pour l’ensemble du jury de revenir sur la dernière édition des concours et de donner quelques informations sur la prochaine.

La session 2014 (au titre de 2015) des concours fut la deuxième depuis la réforme. Cette année, 25 candidats ont été admis, 15 en externe et 10 en interne. Il s’agissait de la première édition des concours dont le jury était préside par Mme Odile Piérart, Présidente de la Mission permanente d’inspection des juridictions administratives.

Le bilan de l’édition 2014 (au titre de 2015) des concours

La présidente du jury a d’abord présenté quelques éléments statistiques sur la dernière édition du concours. Ces données sont détaillées dans le rapport du jury disponible en téléchargement sur le site du Conseil d’Etat : Rapport du jury 2015 des concours de recrutement direct.

  • 497 inscrits (360 en externe et137 en interne).
  • 266 présents (176 en externe et 90 en interne) à l’ensemble des épreuves.
  • 32 admissibles en externe et 21 en interne. La limite d’admissibilité était de 63 points en externe (12,6 de moyenne) et de 56 points en interne (11,2 de moyenne).
  • 15 admis en externe et 10 en interne, dont 56 % femmes et 44 % hommes.

Concernant l’amplitude des notes des admis :

  • Epreuve sur dossier : de 12 à 17,5 (externe) ; de 11,5 à 17,5 (interne).
  • QRC : de 6 à 19,5 (externe) ; de 7,5 à 17 (interne).
  • Note administrative (interne) : de 8 à 17,5.
  • Dissertation (externe) : de 8,5 à 15.
  • Oral juridique : de 9 à 16 (externe) ; de 7,5 à 15 (interne).
  • Oral de motivation : de 11 à 17 (externe) ; de 9,5 à 14,5 (interne).

Les épreuves écrites

Le jury a renvoyé, pour la correction détaillée de chacune des épreuves, à son rapport disponible sur le site du Conseil d’Etat.

Les Questions à Réponse Courte (QRC)

4 questions étaient posées aux candidats cette année au lieu de 3, afin d’augmenter la possibilité pour les candidats de montrer leurs connaissances.

Pour le jury, ce qui fait la différence c’est la qualité des connaissances. Il y a un effort à faire, pour tous les candidats, c’est bien sûr l’acquisition des connaissances nécessaires. L’ensemble des parties du programme a été mobilisé. L’épreuve est discriminante car les notes sont très variables. Le jury précise qu’il faut éviter les réponses qui sont uniquement là pour faire des réponses (quand le candidat n’a aucune idée sur la question posée et brode) car cela donne le sentiment au correcteur que le candidat ne sait pas distinguer ce qu’on lui demande.

Les 4 questions posées étaient les suivantes :

  • La responsabilité du fait du service public de la justice. La question a souvent été restreinte à celle de la justice administrative. Il fallait parler également de la justice judiciaire. Autres aspects intéressants : les jurisprudences de la CJUE et Cour européenne des droits de l’homme.
  • Quel contrôle le juge exerce-t-il sur les lois de validation ? Il y avait plusieurs juges et plusieurs jurisprudences à mobiliser : Conseil constitutionnel, Conseil d’État, jurisprudence européenne… Il était possible de distinguer une convergence des jurisprudences sur ce contrôle des lois de validation.
  • Les opérations complexes. Il s’agissait d’une question technique, qui fut la moins réussie. Ce sont les opérations dans lesquelles plusieurs actes concourent à la même opération, une sorte de chaîne d’actes. Exemples dans le droit de l’expropriation, le droit des concours…
  • La sortie d’un bien du domaine public. Il fallait s’interroger s’il y avait une symétrie entre l’entrée et la sortie d’un bien du domaine public. Il y a deux conditions cumulatives : désaffectation du bien et opération de déclassement (acte par lequel la collectivité publique va constater la sortie d’un bien du domaine public).

La Dissertation (pour le concours externe)

Le sujet était cette année L’acte administratif individuel.

Le jury a précisé qu’il s’agissait d’un sujet classique. Une fois de plus, il a été pointé la nécessité de bien lire le sujet. Il y a eu des erreurs sur le traitement du sujet (certains candidats ont élargi ou changé le sujet en traitant essentiellement de l’acte administratif, de l’acte réglementaire ou même du contrat…). Certains candidats casent des connaissances à partir de sujets qu’ils ont préparés. Certains préparent des introductions toutes faites. Il faut donc éviter le formatage. Le jury a expliqué qu’une introduction qui commence par l’arrêt Blanco n’envoie pas forcément un bon signal au correcteur.

Le jury a regretté que les connaissances des candidats portent surtout sur la jurisprudence récente, sur les évolutions, mais pas sur les jurisprudences antérieures. Cela est très nette sur les épreuves. Les bases manquent souvent. Enfin, il faut faire attention au style un peu lourd et aux annonces de plan redondantes.

La Note administrative (pour le concours interne)

Il s’agissait de la deuxième occurrence de la note administrative au concours. Les consignes de notation sont présentes dans le rapport du jury (le barème évoqué n’engage bien sûr pas le jury pour l’avenir de même que la proposition de corrigé qui n’est qu’un exemple). Le dossier était plus important que l’année précédente.

La note administrative est un exercice hybride. Il y a un effort de synthèse à faire mais ce n’est pas le même que celui des autres concours. Le dossier est tout de même limité (25 pages) et il faut aller chercher l’information dans les documents. La note est orientée et a pour objectif de déboucher sur une note opérationnelle. Tous les documents sont utiles.

Le dossier n’est pas à lui seul suffisant pour traiter l’exercice. Le libellé du sujet a fait l’objet d’un travail très précis pour que chacun des documents puisse apporter sa pierre mais qu’ils ne soient pas suffisants. Les candidats devaient chercher dans leurs connaissances des éléments de réflexion, de réponses. Exemple sur le sujet de cette année de connaissances à apporter : définition de la faute de service / faute personnelle ; qu’est-ce qu’un principe général du droit…

L’exercice a été un peu sous-estimé en terme d’analyse juridique par les candidats. L’argumentaire juridique a fait défaut sur un certain nombre de questions.

La Note de rapporteur sur un dossier contentieux

Il n’y avait pas de piège particulier pour le jury sur le dossier de cette année. Il s’agissait d’un recours pour excès de pouvoir sur un refus d’agrément. Il fallait savoir hiérarchiser les pièces, aller à l’essentiel, tirer de chaque pièce les éléments utiles à la solution de l’affaire. Le but de cet exercice est de juger la capacité de raisonnement, la rigueur de l’analyse juridique. Il ne faut pas passer trop de temps sur des moyens simples et évidents.

Cette exercice permet d’apprécier les bonnes qualités du juge administratif :

  • Efficacité (lecture rapide notamment des rapports des psychologues et des assistantes sociales).
  • Capacité à faire le tri.
  • Rigueur de l’analyse.
  • Qualité rédactionnelle.

Le dossier donne l’occasion de montrer au jury les connaissances personnelles. Par exemple, cette année, un moyen était tiré de l’insuffisance de la décision attaquée et se fondait sur la loi de 1979. Il fallait dire que ce n’était pas la bonne base légale mais que la base légale était un extrait du code de l’action sociale présent au dossier.

Les épreuves orales

Depuis la réforme du concours, il y a deux épreuves orales qui ont lieu le matin et l’après-midi d’une même journée pour chaque candidat.

L’épreuve orale de droit public

L’oral est structuré ainsi : 10’ d’exposé, 10’ de questions sur le sujet, 10’ de questions sur le reste du programme. Il ne faut pas dépasser les 10’ d’exposé initial, tout en s’efforçant de tenir le temps, afin de construire un exposé. Par exemple, un exposé inférieur à 7 minutes pèse sur la note.

Il y a des connaissances incontestables mais peu de profondeur de champ dans ces connaissances. Les candidats ont du mal à resituer les connaissances dans une évolution, dans une problématique plus générale. Les connaissances arrivent de manière trop automatique. Il n’est pas reproché de ne pas connaître tous les arrêts : il faut connaître les grands revirements, les grands arrêts, mais aussi savoir quel est le contexte de l’arrêt et en quoi il est novateur par rapport à l’état ancien de la jurisprudence.

Le jury a fait des remarques générales :

  • Il faut inscrire ses réponses dans l’histoire. Ce qui est testé, c’est l’aptitude à construire une réponse. Il ne faut pas se précipiter dans une réponse : il faut réfléchir, faire des analogies, etc.
  • Sur le plan de la syntaxe, de l’expression orale, le jury a pu être déçu par l’emploi d’expressions familières, par l’utilisation de liaisons intempestives, des fautes de français, par l’emploi d’un vocabulaire peu rigoureux.
  • Le jury a souligné la bonne résilience des candidats. Sur une articulation entre les deux oraux qui n’est pas facile à gérer (matin / après-midi), les candidats ont plutôt bien géré ce délai. Les épreuves de l’après-midi permettent à certains candidats de reprendre pied. Il ne faut pas abandonner entre midi et deux.
  • Concernant les notions de droit civil et de droit pénal, rien d’autre n’est demandé que ce qu’on peut attendre d’un « juriste honnête homme du XXIème siècle ».

Exemples de sujets donnés : le département ; la responsabilité du fait des travaux publics ; le juge des référés… Cela ressemble aux sujets de QRC même si les sujets d’oraux sont un peu plus larges quand même.

L’Entretien de motivation

Les deux épreuves sont tout à fait indépendantes. Sur cette deuxième épreuve de motivation, de personnalité, etc., c’est une épreuve faite à partir d’une fiche remplie par les candidats (fiche individuelle de renseignements). Il est très important de bien la remplir : c’est la première impression qui va être faite sur le jury. Le jury va partir de cette fiche pour questionner le candidat. Les candidats qui ont été cohérents ont bénéficié d’un plus considérable.

Attention à ne pas mentir sur la fiche ! Le jury a donné l’exemple d’un candidat qui parle d’un auteur ou d’une période historique et qui n’arrive pas à répondre aux questions très précises sur cet auteur ou cette période, surtout que les membres du jury sont très divers et sont capables d’interroger de manière précise le candidat. De même, il ne faut pas mentir sur son parcours : si on s’est destiné récemment à la magistrature administrative, ne pas mentir là-dessus alors que le parcours dit le contraire. Ce qui fait la différence c’est la capacité du candidat à avoir réfléchi sur ses expériences, sur ses motivations, etc. Il faut savoir parler de soi.

Le jury a déploré un manque de réflexion sur le métier de juge. Ce métier ne ressemble pas aux autres. Il faut essayer de rencontrer des magistrats administratifs, les interroger sur leur travail, etc.

La question que se pose le jury est la suivante : est-ce que la personne qui est en face de moi est une personne avec laquelle j’aimerais travailler ? Les candidats ne doivent pas être trop dans la timidité, la réserve, etc. Les réponses doivent être à la fois fouillées et établir une véritable culture personnelle, personnalité transparente, riche, cultivée, sympathique. La note traduit la capacité à s’adapter, s’insérer dans une formation collégiale de jugement.

Enfin le jury a rappelé qu’il n’attendait surtout pas de réponses formatées et encore moins de personnes formatées. L’ambition est de recruter pour ce corps des personnes excellentes. Cette excellence est variable, diverse. Il est indispensable d’être sincère, spontané, soi-même et de ne pas ressortir les discours prémâchés et formatés des centres de préparation.

L’édition 2015 au titre de 2016

Le concours 2015 au titre de 2016 aura lieu les mercredi 9 et jeudi 10 septembre 2014. Les inscriptions seront ouvertes au mois de mai 2015. Contrairement à l’an dernier, 30 postes seront ouverts (18 en externe et 12 en interne) ce qui replace le nombre de places au niveau de 2013. Concernant les futurs concours, le jury a précisé que l’ordre de grandeur devrait rester le même.


Pour plus d’informations sur ces concours :



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3 réponses

  1. Merci pour ce compte rendu très détaillé 🙂

  2. Bonjour et merci pour votre site internet.
    Je prépare ce beau concours et votre blog m’aide pour illustrer, agrémenter mes révisions.
    Vive le droit administratif!

Rétroliens

  1. Ouverture des inscriptions du concours de recrutement direct des magistrats administratifs | Les Chevaliers des Grands Arrêts

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