Pour faire face à la crise du logement, asseyez-vous sur le code de l’urbanisme.

Telle est en substance la dernière trouvaille du chef de l’Etat, qui a présenté dimanche dernier à la télévision un certain nombre de mesures devant guider la fin de son quinquennat. Le propos était principalement d’ordre économique, avec un mot d’ordre qui ne varie pas depuis quelques années : il faut faire face à la crise. Toutefois la notion de crise est éminemment plastique et ce ne sont pas les administrativistes, vivant en crise permanente depuis un demi-siècle, qui diront le contraire. La crise se décline donc, et de la crise économique on en vient à la crise du logement. C’est à cette occasion que dimanche dernier la route du chef de l’Etat a croisé celle du droit administratif, et en particulier celle du code de l’urbanisme.

Or pour l’occasion de ce grand soir télévisuel, le Président n’a pas fait dans le détail. « Tout terrain, toute maison, tout immeuble verra sa possibilité de construction augmenter de 30 % », a-t-il annoncé. Ainsi, pour votre maison à la campagne qui a bien besoin d’une extension pour lutter contre la crise du logement, hop, une véranda. Et pour le promoteur immobilier, 30% de construction supplémentaire à terrain égal. Cette mesure devrait prendre la forme d’une loi, dont l’adoption est annoncée pour février. Une mesure qui ne coûte pas un sou d’argent public, et qui pourrait doper un peu le domaine de l’immobilier. Et les vendeurs de vérandas.

Voila une proposition dont l’obscure clarté semble frappée au coin du bon sens et de la simplicité. Ce qui était interdit hier sera demain autorisé. Mais, au fait, pourquoi était-ce hier interdit ?

Le droit de l’urbanisme, késako ?

Le droit de l’urbanisme n’est sûrement pas la matière préférée des présidentiables et des étudiants en droit administratif, elle n’en reste pas moins une matière dont l’intérêt pratique est primordial. Il s’agit, pour faire simple, de l’ensemble des règles (forts complexes et extrêmement mouvantes) qui régissent l’utilisation des sols dans ce pays. Soit de l’ensemble des règles qui font que l’on ne peut construire n’importe quoi, n’importe où. Or, le chef de l’Etat n’ayant pas (malgré les apparences), depuis la salle des fêtes de l’Elysée annoncé la suppression pure et simple du droit de l’urbanisme, il convient de préciser un certain nombre de choses.

Transcrite en langage juridique, la proposition du chef de l’Etat vise à augmenter de 30% le coefficient d’occupation des sols (COS). Le COS, c’est le rapport entre la surface de plancher de la construction et la surface du terrain sur laquelle elle est édifiée. C’est un « droit à construire », qui définit la surface maximale de construction par mètre carré de terrain disponible. Cette augmentation se ferait par une loi, et pour une durée de trois ans. Cette proposition appelle un certain nombre de remarques.

1. Le COS, contrairement à ce que l’intervention présidentielle pourrait laisser entendre, n’est pas décidé depuis le Palais de l’Elysée. Il est défini par le règlement du Plan local d’urbanisme (le PLU – oui le droit de l’urbanisme est friant des acronymes), comme l’indique l’article L123-1-5 du code de l’urbanisme. Et dans Plan local d’urbanisme, il y a local. Celui-ci est en effet adopté au niveau de la commune, ou de l’établissement public de coopération inter-communale, dont on a jugé qu’il était le plus apte à définir ce type de réglementation. Si le PLU est de la compétence des autorités locales, ce n’est sans doute pas pour que la loi décide d’exonération générale à la faveur des interventions présidentielles. Mais en France le principe de libre-administration des collectivités locales est à géométrie variable.

2. Des exceptions au strict respect du COS ont déjà été instituées par la loi. Ainsi l’article L127-1 du code de l’urbanisme dispose que l’organe compétent en matière de fixation du PLU peut majorer le COS pour des projets de constructions de logements sociaux. Tandis que l’article L128-1 dispose que la densité maximale peut être dépassée par les constructions remplissant des critères de performance énergétique. Des cas de dépassements du COS existent donc déjà. Ils ne sont que généralisés par la proposition présidentielle, dont rien n’indique qu’elle sera plus efficace que les « niches urbanistiques » déjà relevées.

3. Un article du Monde met d’ores et déjà en doute l’efficacité du dispositif projeté, en raison d’un décret du 29 décembre 2011 portant sur le calcul des surfaces habitables. Ce décret modifie les règles relatives au calcul de l’emprise aux sols des maisons individuelles, incorporant désormais de petites constructions qui n’étaient pas comptabilisées auparavant. Ainsi, les règles ayant été rendues plus strictes quelques semaines auparavant, l’assouplissement à venir pourrait n’avoir qu’un impact limité.

En tout état de cause, la concrétisation et les conséquences de l’urbanisme de palais (présidentiel) restent donc encore à découvrir…



Catégories :Actualités, Droit de l'urbanisme, Tribunes

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