Méthodologie : Le fichage des arrêts par le Conseil d’Etat

Nous avions commencé notre semaine méthodologique avec un article sur les arrêts du Conseil d’Etat, nous la terminons avec son complément. Comment identifier rapidement l’importance d’un arrêt du Conseil d’Etat ? Le classement P. B. R. I. de la Cour de cassation a son pendant dans l’ordre administratif !


Le « fichage » des décisions du Conseil d’État

Comment mesurer la portée jurisprudentielle d’une décision de justice ? Si la formation de jugement qui rend la décision est un premier élément de réponse (cf. fiche sur la structure et la compréhension des arrêts du Conseil d’État), le classement ou « fichage » de la décision par la juridiction en est un autre, tout aussi important. 

C’est le cas pour les arrêts de la Cour de cassation mais également pour les décisions du Conseil d’État. En effet, le Conseil d’État a, comme son homologue de l’ordre judiciaire, son propre système de « fichage » qu’il convient de connaître afin de pouvoir identifier rapidement la portée d’une jurisprudence.

Le fichage des décisions du Conseil d’État est réalisé par le Centre de recherche et de diffusion juridiques du Conseil d’État (anciennement appelé Centre de documentation). Celui-ci procède à la sélection des arrêts les plus importants rendus par la juridiction du Palais Royal. Les arrêts sont classés en 3 catégories, en fonction de leur publication au Recueil Lebon, qui est le recueil des décisions du Conseil d’État depuis 1818 :

  • La publication intégrale au recueil, indiquée dans la décision par la mention « Publié au recueil Lebon», est réservée aux arrêts dont la portée jurisprudentielle est majeure. Au sein des juridictions administratives, on parle également de fichage en « A ».
  • La mention aux tables du recueil, indiquée dans la décision par l’intitulé « Mentionné aux tables du recueil Lebon», est donnée aux solutions jurisprudentielles qui présentent un intérêt supérieur aux seuls arrêts d’espèce. Lorsque le Conseil d’État souhaite signaler cet apport jurisprudentiel aux praticiens et commentateurs, l’arrêt est donc mentionné aux tables du recueil. Le code de publication associé est « B ».
  • Les décisions ayant la portée jurisprudentielle la moins importante selon le Conseil d’État ne sont ni publiées, ni mentionnées au recueil Lebon. Il est ainsi écrit « Inédit au recueil Lebon» dans la décision. Le code de publication associé est alors « C ».

La base de jurisprudence du Conseil d’État, ArianeWeb, utilise ces codes de publication (A, B ou C) pour informer rapidement de l’importance d’une jurisprudence, dans l’outil de recherche des décisions. Il est même possible de faire une recherche par code de publication et de ne garder ainsi que les décisions présentant un intérêt jurisprudentiel majeur.

Lorsqu’une décision est publiée au recueil Lebon, son texte intégral est reproduit, précédé d’un « abstract » qui résume son apport jurisprudentiel. Lorsqu’un arrêt n’est que mentionné, seuls quelques extraits sont publiés, précédés eux aussi d’un petit « abstract ». Toutes les décisions présentes au recueil Lebon sont classées par rubrique (domaine). Des tables annuelles sont publiées, présentant un sommaire analytique des décisions rendues par le Conseil d’État.

Il est à noter que le Tribunal des conflits utilise le même système de fichage que celui du Conseil d’État, les décisions du Tribunal étant également publiées au même recueil Lebon. En outre, les décisions des autres juridictions administratives (tribunaux administratifs et cours administratives d’appel) utilisent un système similaire, bien que leurs décisions ne soient pas publiées au recueil. Leurs codes de publication sont alors « R » pour les décisions présentant un intérêt jurisprudentiel majeur et « C+ » pour les décisions dont l’intérêt jurisprudentiel est signalé.

Pour aller plus loin, se référer à l’article de Paul Cassia, « Une autre manière de dire le droit administratif : le « fichage » des décisions du Conseil d’État au Recueil Lebon », RFDA, 2011, p. 830.


Nicolas Rousseau
par Nicolas Rousseau,
diplômé de Sciences Po et de l’Université Paris Panthéon-Assas,
ancien chargé d’enseignement en droit public à l’Université de Cergy-Pontoise.



Catégories :Conseils / Bons Plans, Contentieux administratif, Droit administratif, Fiches

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4 réponses

  1. Merci pour la pertinence de tes articles qui nous vont droit au cœur!Ils nous permettent d’être à jour avec la jurisprudence administrative,nous qui sommes en rupture avec le paysage juridictionnel dans nos pays.

  2. Bonjour et merci pour la pertinence de cet article ! J’ai toutefois une petite interrogation : vous écrivez que le recueil Lebon est propre au CE, et que « les décisions des autres juridictions administratives (tribunaux administratifs et cours administratives d’appel) utilisent un système similaire, bien que leurs décisions ne soient pas publiées au recueil. Leurs codes de publication sont alors « R » pour les décisions présentant un intérêt jurisprudentiel majeur et « C+ » pour les décisions dont l’intérêt jurisprudentiel est signalé ». Pourtant, en consultant la JP de ces cours sur légifrance, la mention au recueil Lebon apparait. Par exemple à tout hasard :

    https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000033619480&fastReqId=2033491358&fastPos=4&oldAction=rechJuriAdmin

    Comment l’expliquer? Merci par avance pour vos précieuses précisions !

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