La laïcité, un principe aux multiples dérogations

« Mythique et symbolique » [1]. C’est ainsi qu’Emile Poulat désigna la loi du 9 décembre 1905 établissant séparation entre les Eglises et l’Etat. Ce texte fonde la conception française de la laïcité, principe aux multiples aspects et aux multiples applications.

Le dictionnaire Larousse définit la laïcité comme étant « le principe de séparation de la société civile et de la société religieuse, l’Etat n’exerçant aucun pouvoir religieux et les Eglises aucun pouvoir politique ». Cette définition permet de différencier aisément la situation juridique française de celle d’autres Etats. Ainsi, « l’islam est la religion de l’Etat » selon l’article 2 de la Constitution égyptienne de 2005. L’Etat brésilien considère, dès le préambule de sa Constitution de 1988, que celle-ci est placée « sous la protection de Dieu ». De la même manière, le préambule de la Constitution philippine de 1987 débute ainsi : « nous le peuple souverain philippins, implorant le secours de Dieu tout puissant ». Au contraire, d’autres Etats se considèrent laïcs selon diverses modalités. La Constitution espagnole reconnait que « aucune religion n’aura le caractère de religion d’Etat ». Dans un modèle différent, la Constitution italienne, en son article 7, dispose que « l’Etat et l’Eglise catholique sont, chacun dans son ordre, indépendants et souverains », un accord bilatéral déterminant leurs relations.

En France, le premier texte portant sur la laïcité fut le décret du 3 ventôse An II, qui fut ensuite repris dans la Constitution thermidorienne de 1795. En 1801, Napoléon et le Vatican signèrent le concordat. Il s’agissait d’un accord prévoyant les liens entre l’Etat et l’Eglise. Par la suite, il fut abrogé unilatéralement par la France. Plusieurs lois furent alors votées de la seconde moitié du XIXème siècle jusqu’au début du XXème siècle afin de laïciser l’Etat français. Ce furent les lois Ferry et Goblet à propos de l’école républicaine en 1882, puis, en 1884, la loi interdisant les prières publiques. En 1902 fut crée le délit de congrégation. On aboutit alors à la loi du 9 décembre 1905 portant séparation de l’Eglise et de l’Etat, complétée par la loi organique de 1907. A cette évolution législative, la jurisprudence administrative incorpora elle aussi le principe de laïcité. En 1946, le préambule ainsi que le premier article de la Constitution donnèrent valeur constitutionnelle au principe de laïcité. Il fut ensuite repris dans le premier article de la Constitution de 1958. « La France est une République indivisible, démocratique, laïque et sociale ». Toutefois, si le principe a valeur constitutionnelle et qu’il n’est en rien remis en cause, ce thème continue de défouler les passions et d’animer l’actualité politique. Cela commença à la fin des années 1980, il était question du foulard islamique au sein des établissements publics scolaires. Ce débat sur la laïcité s’amplifia au cours des années et toucha des domaines de plus en plus nombreux. S’il porta à l’origine sur l’école, il fut appliqué ensuite à la fonction publique dans son ensemble, puis on le mit en œuvre dans l’espace public.

Le principe de laïcité veut tenir la religion hors de l’Etat et l’Etat hors de la religion. La Cour européenne des droits de l’homme considère qu’il s’agit de « l’un des principes fondateurs de l’Etat qui cadrent avec la prééminence du droit et les respects des droits de l’homme et de la démocratie » [2]. Les instances communautaires et européennes estiment toutefois que ce principe relève dans son application de la tradition de chaque Etat ; ceux-ci bénéficiant d’une large marge de manœuvre en la matière. La mise en œuvre de la laïcité est donc une question quasi-exclusivement nationale, et s’est développée au gré des réformes constitutionnelles, législatives et jurisprudentielles.

Dans quelles mesures le principe de laïcité est-il remis en cause par les évolutions récentes tendant à le mettre en œuvre ?

Il est nécessaire d’étudier la loi de 1905 en prenant en compte les évolutions jurisprudentielles récentes (I), celles-ci mettant en relief les dérogations au principe de laïcité. La principale dérogation à ce principe réside en un particularisme juridique local, c’est le concordat (II). Enfin, les dérogations à ce principe constitutionnel amènent à se demander ce qu’il en est de la jurisprudence du Conseil constitutionnel (III).

La loi de 1905 et ses dérogations

 Le principe et ses nuances

Cette loi a eu trois effets majeurs : la promotion et la protection de la liberté de culte, la suppression du contrôle du culte par l’Etat, et la libéralisation de l’exercice du culte sans aucune subordination à une quelconque forme de reconnaissance publique. Le deuxième effet qui a été mis en avant peut être formulé d’une autre manière. La loi de 1905 met fin au concordat. Il s’agit d’instaurer un équilibre reposant sur deux principes fondamentaux : la liberté de conscience et le principe de séparation. Ce dernier comprend deux aspects : le principe de non-reconnaissance des cultes par l’Etat et le principe de non-subventionnement des cultes.

Certaines nuances sont apportées à ces principes. Tous les édifices cultuels, leurs dépendances immobilières et les objets mobiliers les garnissant sont la propriété de l’Etat, des départements, des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale. Cela ne concerne que les édifices érigés avant 1905. Les édifices construits après l’entrée en vigueur de la loi sont donc la propriété de personnes privées majoritairement, puisque la loi ne concerne que les édifices construits au moment de son entrée en vigueur et qu’elle interdit à l’Etat de financer la construction de ces bâtiments. Pour les édifices appartenant aux personnes publiques, ils doivent être laissés gratuitement à la disposition des croyants et des ministres du culte (établissements publics du culte puis associations cultuelles). En 1906, l’Eglise catholique a refusé de se constituer sous de telles formes, ce qui poussa le législateur à redéfinir les conditions de l’affectation par la loi de 1907. Parmi les nuances, il faut aussi citer le deuxième alinéa de l’article 2. Dès lors que des personnes sont tenues de rester dans un lieu plus ou moins fermé, il doit leur être laissé la possibilité d’exercer leur culte. Cela vaut pour les prisons, les hospices, les asiles, les hôpitaux [3] et les établissements publics scolaires [4]. Enfin, Les personnes publiques sont tenues d’engager leurs finances afin d’assurer l’entretien et la conservation des édifices cultuels dont elles sont propriétaires. De plus, ne sont pas considérées comme des subventions les sommes allouées aux associations cultuelles aux fins de réparation des édifices [5]. C’est la seule exception prévue par la loi de 1905 au principe de non-subventionnement. Par conséquent, la loi de 1905 crée un équilibre entre la liberté effective de culte et la neutralité de l’Etat. Aristide Briand nommera cet équilibre « la pacification ».

La loi de 1905 face aux évolutions

Certains auteurs évoquent une « certaine relativisation, au plan juridique, de la loi de 1905 » [6] en ce que l’équilibre entre les fondements de la loi de 1905 doit s’opérer à la lumière des principes constitutionnellement garantis. Le principe de laïcité, fondé sur l’article 10 de la Déclaration de 1789, comprend l’égalité entre les cultes dans le respect de la neutralité de la puissance publique ainsi que la liberté de conscience. Cette dernière a été consacrée comme PFRLR par le Conseil constitutionnel [7], contrairement à la liberté de culte qui, bien qu’utilisée régulièrement et protégée constitutionnellement, n’a jamais vu sa valeur définie [8]. La liberté de culte connait aussi des restrictions du fait de sa conciliation avec d’autres exigences, comme le principe de neutralité de l’Etat et le principe d’égalité. Ce sont les composantes du principe de laïcité telles que définies par le Conseil constitutionnel. Le principe de laïcité interdit « à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers [9]. Le Conseil d’état, dans son avis de 1989 [10], va dans le même sens en érigeant la liberté d’opinion des élèves de l’enseignement public en principe, et en consacrant ses limites (provocation, prosélytisme, propagande). De plus, ni la jurisprudence constitutionnelle, ni la jurisprudence administrative n’a consacré la constitutionnalité des principes de non-subventionnement et de non-reconnaissance des cultes.

Dans son rapport général pour 2004 [11], le Conseil d’état a considéré que la loi de 1905 était la « clé de voute » du principe de laïcité, ce qui n’empêche pas pour autant le fait que les deux ne se superposent pas entièrement. La loi de 1905 est plus restreinte que le principe de neutralité en ce qu’elle ne porte que sur les principes de non-subventionnement et de non-reconnaissance. Toutefois, elle précise en cela la neutralité de l’Etat puisque le principe de laïcité laissait la possibilité d’une égalité de traitement des cultes. Le lien entre la notion d’égalité et le principe de laïcité a par ailleurs été développé par le Conseil constitutionnel en 2009 [12]. De la même manière, loi de 1905 et principe de neutralité n’interdisent pas totalement le subventionnement des activités ou équipements dépendants des cultes [13].

Sur le plan conventionnel, la Cour européenne des droits de l’homme s’est prononcée à plusieurs reprises. Tout d’abord, l’article 9 de la CEDH consacre la liberté de conscience tout en indiquant les limites à celles-ci. La Cour a notamment considéré que cette liberté ne permettait pas de se soustraire à des règles générales [14], ce qui a été rappelé en 2004 par le Conseil constitutionnel.

Les cinq arrêts de décembre 2011 posent donc la question du financement ou du subventionnement des activités d’associations cultuelles par les collectivités territoriales. Ces questions se posent depuis deux décennies en raison de l’évolution du paysage religieux en France. Le rapport Machelon de 2005 fait valoir le fait que 1 800 églises et 2 500 lieux de culte musulmans ont été construits depuis la loi de 1905. Or, comme cela a déjà été vu, la loi de 1905 visait à s’appliquer à une situation existante et parait désormais inadaptée. Edouard Geffray considère qu’elle est une « loi de stock » et non une « loi de flux » [15]. Cela signifie qu’elle n’a pas été prévue pour prendre en compte l’expansion d’une nouvelle religion.

Les dérogations et tempéraments apportés à la loi de 1905

La première dérogation a consisté à permettre les garanties d’emprunt de l’Etat, des départements et des communes en faveur des associations cultuelles dans le cadre de la construction des édifices du culte afin de répondre aux « besoins collectifs de caractère religieux » [16]. Il s’agit désormais des articles L. 2252-4 et L. 3231-5 du Code général des collectivités territoriales. Cela signifie que, dans l’hypothèse ou l’association cultuelle se trouve dans l’impossibilité de rembourser son emprunt, la personne publique devra s’en acquitter. C’est une dérogation majeure au principe de non-subventionnement selon Edouard Geffray.

La deuxième dérogation porte sur le recours au bail emphytéotique administratif (BEA) pour l’édification de lieux de culte sur des dépendances du domaine des communes. Tout d’abord, cela concerna le domaine privé des communes puis il fut admis la possibilité de conclure un BEA sur le domaine public des collectivités territoriales. Qu’est ce que le BEA ? C’est un contrat par lequel une commune accepte de céder à une personne privée une parcelle de son domaine, public ou privé. La personne privée devra construire sur cette parcelle afin d’augmenter sa valeur, ainsi que verser à la personne publique une redevance. Le BEA peut être conclu pour une période allant de 18 à 99 ans. Lorsque le terme du contrat survient, la parcelle redevient propriété de la collectivité territoriale, ainsi que toutes les constructions édifiées sur celle-ci. Cette dérogation est aussi très importante, en ce que les avantages réciproques tendent à éviter la sanction au titre du subventionnement. Pour les associations cultuelles, l’avantage est de ne pas avoir à financer l’achat de la parcelle sur laquelle sera construit l’édifice.

Il faut désormais évoquer les cinq arrêts rendus par le Conseil d’état à l’été 2011. Se fondant sur l’article 2 de la loi de 1907, le Conseil d’état a tout d’abord estimé qu’à défaut d’associations cultuelles, les édifices affectés à l’exercice du culte devaient être laissés à la disposition des fidèles et du ministre du culte, hors cas de désaffectation. L’utilisation de l’orgue par une association privée devait être accompagnée du versement d’une participation dont le montant serait proportionné à l’utilisation qui en est faite. Cela permet d’exclure tout risque d’aide à un culte. Par conséquent, l’utilisation cultuelle d’un meuble appartenant à une personne publique doit se faire selon les conditions de droit commun, donc sous la forme d’une location. Le rapporteur public rappelle à cette occasion que toute activité autre que cultuelle dans un édifice de culte, même s’il est la propriété d’une commune, nécessite l’accord du ministre du culte [17].

Ensuite, à l’occasion de trois des cinq espèces, le Conseil d’état développe un considérant de principe visant à réaffirmer le principe de non-subventionnement et ses exceptions légales. « Les collectivités publiques peuvent seulement financer les dépenses d’entretien et de conservation des édifices servant à l’exercice public du culte dont elles sont demeurées ou devenues propriétaires lors de la séparations des Eglises et de l’Etat ou accorder des concours aux associations cultuelles pour des travaux de réparation d’édifices cultuels et qu’il leur est interdit d’apporter une aide à l’exercice du culte ». A l’occasion de ces espèces, le Conseil d’état a considéré que la construction d’équipements utilisés notamment par des fidèles ou le prêt de locaux à des associations cultuelles n’est valide que sous certaines conditions.

La première des conditions est la non-exclusivité du bénéfice du bien. En effet, l’exclusivité signifierait que le bien est affecté à un usage cultuel, ce qui serait manifestement illégal. Ainsi, l’une des décisions porte sur la construction d’un ascenseur donnant accès à une basilique, lieu notamment touristique. Le Conseil d’état a considéré qu’il ne s’agissait pas d’une subvention en faveur d’un culte. En effet, cet équipement n’est pas destiné exclusivement aux fidèles. Il s’agit d’une clarification de la jurisprudence de 1992 [18] qui pouvait laisser croire que le principe de non-subventionnement ne connaissait aucune exception. Cependant, si le bénéfice du service est exclusif, il doit ne pas être pérenne. Le rapporteur public faisant état de quelques jours. L’une des décisions portait sur le prêt d’un local à des fins cultuelles de manière exclusive durant plusieurs mois. Le Conseil d’état a considéré qu’il s’agissait d’une entorse au principe de laïcité puisque le bien était affecté de manière exclusive et relativement pérenne à l’exercice d’un culte.

La deuxième condition est l’existence d’un intérêt public local justifiant l’investissement ou le service. Il s’agit de concilier différents impératifs afin d’établir un équilibre et d’aboutir à la « pacification ». L’une des espèces portait sur la mise en place d’un abattoir temporaire par une commune en vue de l’aïd-el-kébir, fête musulmane au cours de laquelle un agneau doit être tué selon un certain rite. Conciliant la liberté de culte avec les impératifs d’ordre public, notamment la santé publique et la salubrité publique, la collectivité a considéré que la meilleure solution était d’établir un abattoir temporaire. A ce propos, deux arrêtés [19] autorisent le Préfet à créer des abattoirs temporaires pour quelques jours afin de répondre à un besoin local et suffisant. Le maire a agit sur le fondement de sa clause de compétence générale.

La dernière condition porte sur le respect du principe d’égalité. Les services accordés aux associations cultuelles doivent l’être à des conditions respectant le principe d’égalité. Ainsi, l’utilisation d’un abattoir temporaire mis en place par la commune pour une fête religieuse est autorisée seulement si tout citoyen peut y avoir accès et que les conditions d’accès sont les mêmes pour tous. Il s’agit de viser ici le versement d’une contrepartie. Une collectivité territoriale ne peut fournir un service à une association cultuelle de manière gratuite, au risque d’être assimilée à une subvention du culte, ce qui est interdit par la loi de 1905. Ce service doit donc être payant et ce prix doit être le même pour tous, quelque soit la religion des personnes. Enfin, le principe d’égalité veut aussi que les conditions de prêt ou de financement soient les mêmes pour tous les cultes.

Le dernier arrêt porte sur le bail emphytéotique administratif permettant aux communes d’aider les associations à la construction d’édifices cultuels. Le Conseil d’état constate que le législateur a entendu créer une dérogation à la loi de 1905 et à son principe de non-subventionnement. Concernant la redevance, le Conseil d’état a estimé qu’elle devait être modique. Laurent Richer, commentant cette décision, a justifié ceci par la nature même des associations cultuelles. Ce sont des groupements de personnes à but non lucratif. La construction d’un édifice de culte nécessitant un financement important, si la redevance n’était pas modique, une telle construction serait impossible. Si toutes ces conditions sont remplies, il apparaitra que l’association cultuelle ne bénéficiera pas d’une situation dérogatoire mais sera comme toute association.

La loi de 1905 précise donc le principe de laïcité. Cependant, une vision plus libérale a ensuite été développée par le législateur, mais de manière impressionniste. La principale dérogation réside dans le concordat, un droit local spécial.

Le concordat

Il date de 1801 et fut abrogé par l’article 44 de la loi de 1905. Seuls trois départements continuent d’être régit par le concordat : le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle. Cette situation particulière sera confirmée par la loi du 1er juin 1924 puis par un avis du Conseil d’état du 14 janvier 1925 [20]. La loi de 1905 ne s’applique pas aujourd’hui en Alsace Moselle. Le concordat reconnait quatre cultes : l’Eglise catholique, l’Eglise de la confession d’Augsbourg d’Alsace (luthériens), l’Eglise réformée d’Alsace et de Lorraine (calvinistes) et le culte israélite. Le rapport du Conseil de 2004, Un siècle de laïcité, décrit avec précision l’état du droit en Alsace Moselle. Il faut distinguer le régime des cultes (A) et le régime des cultes non reconnus (B).

Le régime des cultes reconnus

Par un avis de la Section de l’intérieur du Conseil d’état du 26 avril 1994 [21], il a été considéré qu’il existe un service public du culte dans les trois départements concernés. C’est une conséquence du régime des cultes reconnus. Cela a aussi des implications quant aux nominations des ministres du culte. Jean Baubérot met en avant le fait que le Président de la République soit le dernier chef d’Etat nommant des évêques catholiques. En effet, il nomme l’évêque de Metz et l’archevêque de Strasbourg. Les nominations des ministres du culte protestant doivent être approuvées par le ministre de l’Intérieur. Il en va de même pour la nomination du grand rabbin, alors que celles des ministres officiants sont soumises au Préfet. Enfin, le Gouvernement conserve un droit d’opposition relatif à la nomination des pasteurs et des curés. Les ministres du culte des quatre religions reconnues sont rémunérés par l’Etat, bien que n’ayant pas la qualité d’agents publics [22].

Les organes des cultes reconnus sont des établissements publics dont les décisions et les salariés sont soumis au droit public [23]. Toute aliénation de biens, toute acquisition à titre onéreux, toute acceptation de libéralités était soumise à autorisation de l’administration jusqu’en 2007 [24]. Dans l’hypothèse ou les établissements publics cultuels seraient en difficulté financière dans le cadre de l’entretien des édifices, les communes sont tenues de participer au financement des travaux [25]. Les communes sont également tenues de loger les ministres du culte en fournissant un logement ou en versant une indemnité. Il est à noter que le Code général des collectivités territoriales consacre des titres particuliers au droit alsacien-mosellan.

L’enseignement religieux des cultes reconnus est obligatoire dans les établissements publics d’enseignement d’Alsace Moselle [26], y compris dans les établissements techniques et professionnels [27]. Ces dispositions sont toujours applicables [28]. Il est possible d’obtenir une dispense d’enseignement cultuel, mais ces cours peuvent prendre diverses formes.

Le régime des cultes non reconnus

Cela concerne le culte musulman ainsi que des groupements protestants non affiliés à l’Eglise protestante. Ces cultes sont constitués sous forme d’association régie par le droit local. Ce régime est plus favorable que la loi de 1905. La loi du 1er juin 1924 a confirmé l’application du droit local en Alsace Moselle. En 1988 puis en 2001, le Conseil d’état a considéré que les préambules de 1946 et 1958 n’ont pas abrogé implicitement le droit local [29]. Il faut distinguer les associations de fait et les associations inscrites sur le registre du tribunal d’instance. Ces dernières ont une capacité juridique plus large que celle conférée aux associations par la loi de 1901. Le Préfet ne peut refuser l’inscription d’une association au registre du tribunal d’instance au motif qu’il s’agisse d’une association cultuelle [30]. De plus, elles bénéficient d’avantages fiscaux et ne sont pas tenues de limiter leur objet à l’exercice du culte [31].

Quelques spécificités très locales

L’ordonnance royale du 27 août 1828, encore en vigueur, concerne la Guyane. Un seul culte y est reconnu, c’est le catholicisme. L’Etat prend en charge le traitement et la retraite des prêtres. Le Conseil général de Guyane subventionne le fonctionnement de cette organisation religieuse. Le Grand Man est aussi considéré comme autorité religieuse reconnue par l’Etat. Chaque année, le financement des cultes en Guyane s’élève à près de 800 000€. Un régime très similaire s’applique à Saint-Pierre et Miquelon. Enfin, à Mayotte, seuls les cadis sont reconnus ; ce sont des juges religieux musulmans. Ils sont rémunérés par l’Etat. Concernant la France métropolitaine, il est à remarquer que l’Eglise catholique n’utilise pas les modèles d’organisation prévus par la loi de 1905. Un accord avec l’Etat français lui a permis de s’établir en association diocésaine. A propos de l’Islam, les organisations fonctionnent sur le modèle des associations de la loi de 1901. Par conséquent, il apparait que la loi de 1905 est loin d’être appliquée unanimement sur le territoire français. Les exceptions sont si multiples que l’on peut se demander si la loi de 1905 constitue vraiment le droit commun, selon Jean Volff. La laïcité en France est donc affirmée en principe mais appliquée avec une grande hétérogénéité.

Enfin, il est reproché au concordat de porter atteinte au principe d’égalité et au principe d’indivisibilité de la République. Le Conseil d’état considère aussi que certaines dispositions seraient inconstitutionnelles en ce qu’elles seraient contraires au principe de laïcité. On peut notamment penser à l’enseignement religieux obligatoire ou à la rémunération par l’Etat des ministres du culte. Il convient donc d’étudier les aspects constitutionnels du principe de laïcité.

Les aspects constitutionnels du principe de laïcité

La jurisprudence du Conseil constitutionnel français

La laïcité est présente dès le premier article de la Constitution de 1958 et par renvoi à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et au préambule de la Constitution de 1946. Ce dernier fait référence à la laïcité de manière générale ainsi que dans le domaine de l’enseignement public. « L’organisation de l’enseignement public, gratuit, laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat » 13ème alinéa. Le Professeur Guillaume Drago considère que les sources constitutionnelles énoncent ainsi trois principes découlant de la laïcité : la neutralité, l’égalité de chacun et de tous devant la loi, et l’obligation d’un enseignement public laïc. Poursuivant son raisonnement, le Professeur Drago rappelle que la laïcité n’est pas une valeur absolue, ce qui induit une conciliation des principes constitutionnels. Ainsi, dans sa décision 77-87 DC [32], le Conseil constitutionnel a jugé que le devoir étatique de laïcité et de gratuité de l’enseignement public ne saurait interdire l’enseignement privé. Le juge constitutionnel reconnait valeur de PFRLR à ce principe. Dans la même décision, il reconnait la même valeur à la liberté de conscience des personnels enseignants. Le principe de la liberté de conscience des personnels enseignants sera confirmé par la décision du 08 juillet 1999 [33]. Dans une décision de 1984 [34], le Conseil constitutionnel va tempérer la liberté de conscience des personnels enseignants en estimant que ces derniers ont un devoir de réserve. Le Professeur Drago estime que le principe de laïcité se devine aussi dans des décisions affirmant certaines libertés. Ainsi, il cite la décision n° 71-44 DC portant sur la liberté d’association, la décision n° 82-141 DC relative à la liberté de communication des opinions ou encore la décision n° 94-352 à propos du respect de la vie privée. Il faut encore ajouter la décision de 2009 visant à interdire la différenciation des cultes [35]. Soit la personne publique accorde des subventions égales pour tous les cultes, soit elle refuse de subventionner tous les cultes.

Le traité établissement une Constitution pour l’Europe en 2004 donna l’occasion au Conseil constitutionnel de définir la laïcité. « Les dispositions de l’article 1er de la Constitution aux termes desquels ‘la France est une République laïque’, qui interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers ». Tout d’abord, contrairement à la loi de 1905, le principe n’est plus ici la liberté de culte mais l’obéissance aux règles communes. Cela démontre une évolution de la conception de la laïcité. Ensuite, il est à noter que le Conseil constitutionnel rappelle la position de la CEDH, appliquant l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Cet article s’applique en harmonie avec la tradition constitutionnelle de chaque Etat membre [36]. Cette décision du Conseil constitutionnel est intervenue dans un contexte particulier, celui du vote de la loi interdisant le port d’insignes religieux dans les établissements scolaires. Dans un arrêt de 2004 [37], le Conseil d’état a jugé que la loi du 15 mars 2004 interdisant le port d’insignes religieux dans les établissements scolaires publics est conforme à l’article 9 de la CEDH. La décision du Conseil constitutionnel est particulièrement importante car il définit pour la première fois le principe de laïcité, ce qu’il n’avait pas fait en 1994 lors de l’examen de la révision de la loi Falloux [38].

Enfin, il faut noter la loi relative à l’interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public [39]. Cette loi est justifiée par le législateur et par le Conseil constitutionnel par l’évolution visible de l’état des religions en France. Toutefois, afin de ne pas être censurée, cette loi a été rédigée en des termes neutres selon les commentateurs des grandes décisions du Conseil constitutionnel. Le Conseil constitutionnel ne cite la liberté de conscience de l’article 10 de la Déclaration de 1789 qu’afin d’en rappeler les restrictions. C’est en se fondant sur le maintien de l’ordre public [40] qu’est justifiée l’interdiction de dissimuler son visage dans l’espace public selon le Conseil constitutionnel. Le juge constitutionnel a émis une réserve d’interprétation en considérant que cela ne pouvait concerner les lieux de culte ouverts au public (cons. 6). Cette précision est importante, car sinon il y aurait sans doute eu une atteinte disproportionnée à la liberté de culte. Cette décision est contestable en ce que le Conseil constitutionnel a accepté de ne pas se fonder sur le principe de laïcité, alors qu’il parait évident que la loi concerne celui-ci.

Le principe de laïcité en droit constitutionnel comparé

Il va s’agir, au travers de trois exemples, d’étudier comme nos voisins européens développent le principe de laïcité.

La Constitution danoise du 05 juin 1849 prévoit que l’Eglise luthérienne est un Eglise d’Etat. La Constitution actuelle, celle du 05 juin 1953, prévoit que le roi est membre de cette Eglise. De plus, l’enseignement primaire comprend une instruction religieuse relative essentiellement au christianisme évangélique luthérien de l’Eglise nationale danoise. Les libertés de religion, d’opinion et d’association existent pour les autres religions, mais elles ne sont pas sur un pied d’égalité avec l’Eglise d’Etat. Elles sont qualifiées de dissidentes. Elles ne sont pas subventionnées par l’Etat, contrairement à l’église luthérienne.

En Autriche, il revient au ministre de la culture de reconnaitre les églises et les communautés religieuses. S’il avait avant un pouvoir discrétionnaire, depuis un arrêt du Tribunal suprême constitutionnel de 1988, il est tenu de reconnaitre les églises et communautés religieuses remplissant les conditions légales. Les églises et communautés religieuses non reconnues ne peuvent disposer de la personnalité juridique de droit privé. A l’inverse, les églises et communautés religieuses reconnues obtiennent la personnalité juridique de droit privé, mais aussi de droit public. Ce sont des personnes publiques. Les croyants sont soumis obligatoirement à un impôt ecclésial, dont le non-paiement peut entrainer des poursuites judiciaires. Par cela, les Eglises aident l’Etat dans la collecte des impôts. De la même manière, si un enfant fréquente une église reconnue, il devra obligatoirement se voir dispenser des cours d’instruction religieuse par le ministre du culte correspondant.

La Constitution espagnole parait établir une égalité entre les cultes en indiquant qu’aucune religion n’a le caractère de religion d’Etat [41]. La loi organique du 05 juillet 1980 sur la liberté religieuse précise que les Eglises doivent être inscrites au registre public du ministère de la justice pour jouir de la personnalité juridique. Cela entraine un droit à l’autonomie et à l’auto-organisation, ainsi qu’un droit à conclure des accords ou conventions avec l’Etat, approuvés par la loi. Le refus d’inscription au registre public peut être attaqué devant les tribunaux. Les accords de coopération entre l’Etat et l’Eglise catholique relèvent du droit international alors que les accords de coopération entre l’Etat les autres organisations cultuelles relèvent du droit constitutionnel. Un tel accord permet aux Eglises de se voir accorder un statut juridique et fiscal privilégié, celui de l’Eglise catholique. Par une décision du 03 mai 1990, le Tribunal constitutionnel rejeta le recours d’amparo de l’église protestante visant à obtenir un régime fiscal privilégié en raison de l’absence d’accord conclu avec l’Etat.


[1] Emile Poulat, Scruter la loi de 1905. La République française et la religion, Fayard 2010.

[2] CEDH 13 février 2003 Refah partisi c/ Turquie, §48.

[3] CE, Sect., 28 janvier 1955, Sieurs Aubrun et Villechenoux.

[4] CE, Sect., 28 janvier 1955, Association professionnelle des aumôniers de l’enseignement public.

[5] Loi du 25 décembre 1942, applicable en vertu des articles 2 et 4 de l’ordonnance du 09 août 1944.

[6] J-M. Woehrling, L’interdiction pour l’Etat de reconnaitre et de financer un culte. Quelle valeur juridique aujourd’hui ? RDP n° 6-2006, p. 1633-1669.

[7] CC décision n° 77-87 DC du 23 novembre 1977, Loi relative à la liberté de l’enseignement.

[8] CC décision n° 2010-613 DC du 07 octobre 2010, Loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public.

[9] CC décision n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004, Traité établissant une Constitution pour l’Europe.

[10] CE, avis n° 346.893 du 27 novembre 1989, Laïcité de l’enseignement.

[11] Rapport annuel pour 2004, Considérations générales, Un siècle de laïcité, EDCE n°55, 2004.

[12] CC décision n° 2009-591 DC du 22 octobre 2009, Loi tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d’association.

[13] CE, 16 mars 2005, Ministre de l’Outre-mer c/Gouvernement de Polynésie française.

[14] CEDH, 10 novembre 2005, Leyla Sahin, n° 44774/98.

[15] Conclusions relatives aux arrêts du 19 juillet 2011, RFDA 2001, p. 967-1002.

[16] Article 11 de la loi du 19 juillet 1961 de finances rectificative pour 1961, n° 61-825.

[17] CE, Sect., 04 novembre 1994, Abbé Chalumey ; JRCE, ord. 25 août 2005, Commune de Massat.

[18] CE, Sect., 09 octobre 1992, Commune de Saint-Louis c/Association Siva Soupramanien de Saint-Louis.

[19] Arrêté du 17 mars 1992 repris par l’arrêté du 18 décembre 2009.

[20] CE, avis du 24 janvier 1925, n° 188.150.

[21] CE, avis du 26 avril 1994, n° 355.514.

[22] CE, avis du 27 août 1948, n° 245.014.

[23] CE, arrêt du 13 mai 1964, Dlle Ebesstarck.

[24] Décret du 13 juin 1966, n° 66-388 supprimé le 12 mai 2007.

[25] Article L. 2543-3 du CGCT.

[26] Loi Falloux du 15 mars 1850 et ordonnance du 16 novembre 1887 introduisant en droit français l’ordonnance du chancelier d’Empire du 10 juillet 1873.

[27] CE, Sect., arrêt du 23 mai 1958, Ministère de l’Education nationale c/Weber.

[28] CE, arrêt du 25 juillet 1986, Syndicat général de l’éduction nationale.

[29] CE, arrêt du 22 janvier 1988, Association « les cigognes » ; CE, arrêt du 06 avril 2001, SNES.

[30] CE, Sect., arrêt du 25 juillet 1980, Ministère de l’Intérieur c/Eglise évangéliste baptiste de Colmar.

[31] Contrairement aux associations cultuelles constituées sous le régime de la loi de 1905.

[32] CC, décision n° 77-87 DC du 23 novembre 1977, Liberté d’enseignement et de conscience.

[33] CC, décision n° 99-414 DC du 08 juillet 1999, Loi d’orientation agricole.

[34] CC, décision n° 84-185 DC du 29 décembre 1984, Loi portant dispositions diverses relatives aux rapports entre l’Etat et les collectivités territoriales.

[35] CC, décision n° 2009-591 DC du 22 octobre 2009, Loi tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques er privées sous contrat d’association.

[36] Cour EDH, 29 juin 2004, Leyla Sahin c/Turquie.

[37] CE, 08 octobre 2004, Union française pour la cohésion sociale.

[38] CC, décision n° 93-329 DC du 13 janvier 1994, Révision de la loi Falloux.

[39] CC, décision n° 2010-613 DC du 07 octobre 2010, Voile intégral.

[40] CC, décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure.

[41] Article 16, §3 de la Constitution espagnole.



Catégories :Dissertations, Droit administratif, Droit public, Libertés fondamentales et droits de l'homme

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19 réponses

  1. @Vincent Schnebel
    « En France, le premier texte portant sur la laïcité fut le décret du 3 ventôse An II », peut on lire…du 3 ventôse de l’an III serait plus juste. Et ce n’est pas le premier texte qui laïcise la France….

  2. « Tous les édifices cultuels, leurs dépendances immobilières et les objets mobiliers les garnissant sont la propriété de l’Etat, des départements, des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale. Cela ne concerne que les édifices érigés avant 1905. », peut on lire. Cela n’a concerné que les édifices érigés, avant 1905, grâce aux fonds publics pas les autres…

  3. Le régime des cultes non reconnus :

    la définition juridique des cultes non reconnus en Alsace Moselle est rappelée par M. Messner dans la revue du droit Local. Les principaux textes applicables sont les articles 21 à 79 du code Civil local, la loi d’Empire Germanique du 19 avril 1908 et l’ordonnance ministérielle du 22 avril 1908. Ils ont été maintenus en vigueur par l’article 5 alinéa 9 de la loi du Ier juin 1924. Si on résume à l’extrême les textes énumérés précédemment on retiendra que les « cultes non reconnus » peuvent bénéficier des mêmes exonérations fiscales que les associations cultuelles et les établissements publics du culte (exonération de la taxe d’habitation, de l’impôt foncier sur le bâti et non bâti, exonération sur les successions et les donations).

    Parallèlement, les cultes non reconnus peuvent être subventionnés volontairement par les collectivités territoriales, vu la non application 2 de la loi du 9 décembre 1905 en Alsace Moselle. Autrement dit, Les collectivités territoriales font ce qu’elles veulent à cause du fait que la loi de 1905 ne s’applique à l’Alsace-Moselle. Le tribunal administratif de Strasbourg a d’ailleurs légalisé l’aide financière indirecte émanant d’une commune pour l’édification d’une mosquée (tribunal administratif de Strasbourg n°0002734, 13 décembre 2006).

    • Je n’ai pas eu connaissance de l’article donc vous me parlez. Je suis donc heureux que vous puissiez préciser le régime des cultes non reconnus. De plus, j’espère que mon propos n’a pas été mal compris. En effet, la non-application de la loi de 1905 entraine la non-application du principe de non subventionnement du culte par les collectivités. Par conséquent, elles sont libres de subventionner une religion. Financer la rémunération et la retraite des ministres du culte est déjà considéré comme une subvention au culte.

      • Vous pouvez me contacter grâce à mon adresse internet. Je vous ferai parvenir une thèse soutenu à science po sur le statut des cultes dans la région Alsace-Moselle.
        Cordialement.

  4. « Ce furent les lois Ferry et Goblet à propos de l’école républicaine en 1882, puis, en 1884, la loi interdisant les prières publiques. « . Beaucoup d’approximations :
    – Les lois ferry datent de 1881 et 1882.
    – les suppressions des prières publiques, en 1884, ne touchent que les sessions parlementaires.
    – La loi Goblet date de 1886. Elle a redéfini l’organisation de l’enseignement primaire.

  5. « Mythique et symbolique » [1]. C’est ainsi qu’Emile Poulat désigna la loi du 9 décembre 1905 établissant séparation entre les Eglises et l’Etat.
    [1] Emile Poulat, Scruter la loi de 1905. La République française et la religion, Fayard 2010.

    Il manque la page à la référence bibliographique :
    Emile Poulat, Scruter la loi de 1905. La République française et la religion, Fayard 2010, p.25.

    Oui, je sais, je chipote mais…

  6. « On aboutit alors à la loi du 9 décembre 1905 portant séparation de l’Eglise et de l’Etat, complétée par la loi organique de 1907. », peut on lire. La loi du 2 janvier 1907 est complétée par les lois d’applications du 28 mars 1907 et du 13 avril 1908.

  7. De plus, ne sont pas considérées comme des subventions les sommes allouées aux associations cultuelles aux fins de réparation des édifices [5]. C’est la seule exception prévue par la loi de 1905 au principe de non-subventionnement. Pas vraiment…
    Dans le cas légal d’une association cultuelle passons en revu les différents moyens pour les collectivités publiques d’aider indirectement les associations sont les suivants :
    a) le bail de droit commun
    Même si elles ne peuvent subventionner aucun culte, les collectivités ont le droit de conclure un contrat de bail avec une association ayant pour but exclusif ou non la pratique du culte.
    b) Le bail emphytéotique
    Les collectivités peuvent également conclure des baux emphytéotiques avec des associations cultuelles leur accordant à long terme la jouissance d’un terrain sur lequel l’association construit un édifice religieux. C’est le cas de la mosquée de Strasbourg, Lyon, Bordeaux. Ce qu’il faut retenir c’est qu’à ce jour, près de 450 sur les 1800 églises paroissiales d’ile de France, construite après 1905, ont utilisé ce type de baux. C’est un bail de longue durée de 18 ans à 99 ans, par lequel on acquiert un droit d’usage et de jouissance, garantissant une liberté dans l’utilisation et l’exploitation du bien. Le loyer est en général modeste parce que le locataire garde à sa charge la construction du bâtiment sans pouvoir en tirer bénéfice à l’issue du bail. Ces modestes charges de loyer permettent facilement aux partis d’extrême droite de se présenter, vis-à-vis de l’opinion, comme les blancs chevaliers « défenseur de la laïcité » en dénonçant les charges inférieures à celle du marché de l’immobilier…
    Pour terminer : le bail peut être destiné à être renouvelé pour une seconde période identique en temps. C’est une forme de financement pour le foncier qui respecte néanmoins les principes de la loi de 1905, n’en déplaise à beaucoup…
    C) la garantie d’emprunt
    Le législateur a reconnu par l’article 11 de la loi de finance du 29 juillet 1961, la possibilité pour les collectivités publiques de garantir des emprunts contractés par des associations cultuelles pour la construction d’édifices religieux.
    d) la prise en charge des réparations et de l’entretien (vous en avez fait mention).
    Le dernier alinéa de l’article 19 de la loi de 1905, ajouté par la loi du 25 décembre 1942 précise que si les associations loi 1905 ne peuvent recevoir aucun financement public, « les sommes allouées pour la réparation et l’entretien des édifices affectés aux cultes publics, qu’ils soient classés ou non monuments historiques, ne sont pas considérés comme des subventions ».

    Voilà, les quatre et uniques façons pour les collectivités publiques d’aider les associations cultuelles.

    • Je suis bien d’accord avec vous. Toutefois, ces dérogations aux principes de la loi de 1905 n’ont été prévues que par la suite. La loi de 1905 ne prévoit qu’une seule exception: l’aide à la réparation et à la conservation des édifices du culte.
      Concernant les dérogations mises en place par la suite, je n’ai cité que deux d’entre elles car elles me paraissaient les plus importantes (garantie d’emprunt et BEA).
      Encore une fois, je me suis inspiré des conclusions du rapporteur public Geffray qui, en plus d’être claires, précisent à la fois l’histoire de la loi de 1905 et à la fois ses évolutions récentes par la jurisprudence.

      • « Je suis bien d’accord avec vous. Toutefois, ces dérogations aux principes de la loi de 1905 n’ont été prévues que par la suite. La loi de 1905 ne prévoit qu’une seule exception : l’aide à la réparation et à la conservation des édifices du culte. », écrivez-vous. Il en va de même pour la loi dont vous faites mention. C’est une loi qui a été crée sous le régime de Vichy et qui n’a pas été invalidée par la suite…
        Il faut savoir que la loi de 1905 a subit 50 modifications par rapport à l’originale.

        .

  8. J’ai l’air de critiquer mais en fait d’apprécié votre article. il fallait que je le précise.

    En ce qui concerne les baux emphytéotiques :

    http://www.conseil-etat.fr/fr/selection-de-decisions-du-conseil-d-etat/ce-19-juillet-2011-mme-v.html

    Cordialement.

Rétroliens

  1. L’actualité de la notion de laïcité au Palais Royal | Les Chevaliers des Grands Arrêts

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