Dans un arrêt Marc-Antoine c. France du 4 juin dernier, la CEDH était, encore une fois, saisie de la question de savoir si l’office particulier du rapporteur public devant les juridictions administratives françaises ne portait pas atteinte au droit à un procès équitable garanti par l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
La question portait plus précisément sur la position du rapporteur public devant le Conseil d’Etat, qui est destinataire, comme les membres de la formation de jugement, du rapport et du projet de décision élaborés par le conseiller rapporteur. Ce projet de décision, rédigé avant l’audience publique, n’est pas transmis aux parties. Cette absence de communication était contestée, le requérant (un magistrat administratif ayant formé un recours contre sa non-inscription à un tableau d’avancement) estimant notamment que le rapporteur public était bien une partie au procès, et que, dès lors, il existait une rupture d’égalité des armes entre les parties du fait de cette communication du projet de décision au rapporteur public.
La Cour s’écarte de cette conception du rapporteur public comme partie au procès en estimant que : « le requérant ne démontre pas en quoi le rapporteur public serait susceptible d’être qualifié d’adversaire ou de partie dans la procédure, condition préalable pour être à même d’alléguer une rupture de l’égalité des armes » . Comme le souligne Nicolas Hervieu dans son commentaire de l’arrêt (Nicolas Hervieu, « Le rapporteur public français finalement sauvé des eaux européennes » [PDF] in Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 13 juin 2013), la Cour s’éloigne ici de sa jurisprudence Kress c. France de 2001, dans laquelle elle avait considéré, en vertu de la « théorie des apparences » que « le commissaire du gouvernement pourrait être légitimement considéré par les parties comme prenant fait et cause pour l’une d’entre elles ».
Revirement de jurisprudence ? Fin de la saga du rapporteur public devant la CEDH ? Rien n’est moins sûr. Car comme le souligne Nicolas Hervieu, cette décision rendue par la 5e chambre de la CEDH semble également s’opposer sur d’autres points à la jurisprudence de la Grande Chambre de la CEDH. La saga du rapporteur public devant la CEDH ne semble donc pas tout à fait terminée.
Pour un commentaire détaillé de la décision : Nicolas Hervieu, « Le rapporteur public français finalement sauvé des eaux européennes » [PDF] in Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 13 juin 2013.
La décision est en ligne sur le site de la Cour européenne des droits de l’Homme.
Voir également à ce sujet la conférence-débat « Vers une nouvelle mise en cause du rapporteur public devant la CEDH ? » organisée par Frédéric Rolin et Serge Slama en juin 2012 et donc les actes ont été publiés à la Revue de droit public, novembre 2012, n° 6, pp. 1491-1521.
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un magistrat administratif ?