Méthodologie : L’organisation juridictionnelle en France

Le TGI de Montargis

Après les présentations des arrêts du Conseil d’Etat, du Conseil constitutionnel et de la méthode de la dissertation juridique, il est temps de passer à un pan de la culture juridique française : l’organisation juridictionnelle. Voici donc un court descriptif des juridictions françaises.


L’organisation juridictionnelle en France

La France connaît deux ordres de juridiction : l’ordre administratif et l’ordre judiciaire. Cette dualité est le fondement de l’organisation juridictionnelle française. Ces deux ordres sont construits sur le modèle pyramidal, avec des juridictions de première instance, des juridictions d’appel et des juridictions suprêmes, la Cour de cassation pour l’ordre judiciaire et le Conseil d’État pour l’ordre administratif. 

Attention : Le Conseil constitutionnel n’est la juridiction n’est la juridiction suprême d’aucun ordre. Il occupe une place à part dans l’organisation juridictionnelle.

I. Les juridictions de l’ordre judiciaire

Les juridictions de l’ordre judiciaire sont organisées sur le mode pyramidal, avec une multitude de juridictions de première instance et une seule juridiction suprême, la Cour de cassation.

A. Les juridictions de première instance

1. En matière civile

En matière civile, la juridiction de première instance de droit commun est le tribunal de grande instance (TGI). Le TGI est donc compétent en toute matière civile, dès lors que la loi n’attribue pas la matière à une autre juridiction. Le TGI détient également des compétences exclusives, notamment en matière d’état des personnes (état civil, nationalité, filiation…), de famille (mariage, divorce, adoption, pensions alimentaires, successions…), de propriété immobilière, de propriété intellectuelle, de baux commerciaux et professionnels, de fiscalité indirecte… Il statue normalement en formation collégiale de 3 magistrats, mais peut également statuer à juge unique (juge aux affaires familiales, juge des enfants, juge de la mise en état, juge de l’exécution).

Le tribunal d’instance est une juridiction compétente pour tous les litiges civils dont la demande porte sur des sommes comprises entre 4 000 et 10 000 euros. Il détient également des compétences exclusives : litiges relatifs à la location d’une habitation ; litiges relatifs aux crédits à la consommation d’un montant inférieur à 75 000 euros ; tutelles. La formation de jugement est une formation à juge unique, le juge d’instance.

La juridiction de proximité est également une juridiction disposant d’une compétence d’attribution en matière civile, pour les litiges personnels ou mobiliers n’excédant pas 4 000 euros. Le juge de proximité est un juge statuant seul (formation à juge unique).

On trouve également d’autres juridictions spécialisées en matière civile :

  • Le conseil de prud’hommes qui est saisi des litiges entre salariés (ou apprentis) et employeurs portant sur le respect des contrats de travail (ou d’apprentissage). Il s’agit d’une juridiction composée de juges non professionnels désignés de manière paritaire : 2 conseillers élus par les employeurs et 2 autres élus par les salariés.
  • Le tribunal de commerce est compétent pour les litiges entre commerçants ou pour les litiges portant sur des actes de commerce. Il est composé de juges consulaires, non professionnels, élus parmi les commerçants. La formation de jugement est collégiale.
  • Le tribunal des affaires de sécurité sociale et le tribunal paritaire des baux ruraux sont deux autres juridictions spécialisées de première instance en matière civile.

2. En matière répressive

La cour d’assises est la juridiction répressive compétente pour juger tous les crimes. Les crimes constituent la catégorie d’infraction la plus grave. La formation de jugement est composée de 3 juges professionnels (un président et deux assesseurs) et d’un jury composé de 6 citoyens tirés au sort.

Le tribunal correctionnel est compétent en matière répressive pour juger tous les délits commis par des personnes majeures. La formation de jugement est composée de 3 juges professionnels, un président et deux assesseurs.

Le tribunal de police est compétent pour juger les contraventions de 5e classe, la catégorie de contravention la plus grave. Il s’agit d’un juge unique, situé dans un tribunal d’instance. La juridiction de proximité est également compétente en matière répressive (en plus de sa compétence en matière civile) pour les autres contraventions (1ère à 4e classe).

À côté de ces juridictions de jugement, on trouve, en matière d’instruction, le juge d’instruction et le juge de la liberté et de la détention.

3. Les juridictions pour mineurs

Les juridictions chargées de juger les mineurs sont différentes de celles chargées de juger les personnes majeures :

  • Le juge des enfants détient une double compétence : il protège les mineurs en danger et juge les mineurs délinquants. Il peut juger les crimes commis par les mineurs de moins de 16 ans, ainsi que les délits et les contraventions commis par les mineurs, quel que soit leur âge. Cependant, ses pouvoirs en matière de sanction sont limités à ordonner des mesures de rééducation. C’est un juge unique qui siège au sein du TGI.
  • Le tribunal pour enfants est compétent pour les mêmes matières que le juge des enfants (crimes commis par les mineurs de moins de 16 ans, délits et contraventions de 5e classe commis par les mineurs, quel que soit leur âge). Contrairement au juge pour enfants, il peut prononcer de vraies peines. La formation de jugement est composée du juge des enfants et de deux magistrats assesseurs non professionnels.
  • Le tribunal correctionnel pour mineurs juge les mineurs entre 16 et 18 ans poursuivis pour des délits commis en récidive, si ces délits sont punis d’au moins 3 ans d’emprisonnement.
  • La cour d’assises des mineurs juge les crimes commis par des mineurs âgés de 16 à 18 ans au moment des faits. La formation de jugement est composée par trois magistrats professionnels et un jury populaire de citoyens tirés au sort.

B. Les juridictions d’appel

La Cour d’appel est la principale juridiction d’appel de l’ordre judiciaire. Elle est compétente pour connaître les appels des jugements rendus en toute matière par les juridictions de première instance, à l’exception des appels des décisions rendues par les cours d’assises. La Cour d’appel est composée de différentes chambres :

  • Les chambres sociales qui traitent les appels des décisions des conseils de prud’hommes.
  • Les chambres commerciales qui connaissent les appels des jugements des tribunaux de commerce.
  • Les chambres civiles qui connaissent des appels des jugements des TGI et des TI.
  • Les chambres correctionnelles qui sont compétentes pour juger les appels des jugements rendus par les tribunaux correctionnels.

On trouve aussi une chambre de l’instruction au sein de la Cour d’appel qui est compétente en cas de recours contre les décisions prises par un juge d’instruction.

La cour d’assises est également une juridiction d’appel. En effet, il est possible d’interjeter appel d’un verdict rendu par une première cour d’assises devant une cour d’assises nouvellement constituée de 3 magistrats professionnels (un président et deux assesseurs) et d’un jury de 12 citoyens tirés au sort.

C. La Cour de cassation

La Cour de cassation est la juridiction suprême de l’ordre judiciaire. Elle ne constitue pas un 3e degré de juridiction mais est compétente lorsqu’un pourvoi est formé sur une décision d’appel ou sur des décisions rendues en premier et dernier ressort (en raison de la faible importance de certains litiges, il n’est parfois pas possible de faire appel de la décision rendue ; seul le pourvoi en cassation est possible). Elle ne juge pas une 3e fois l’affaire mais se borne à contrôler la conformité de la décision attaquée aux règles de droit. La Cour de cassation est divisée en chambres : 3 chambres civiles, une chambre commerciale, une chambre sociale, une chambre criminelle.

Pour plus d’informations sur le rôle de la Cour de cassation, vous pouvez vous référer à la fiche « La compréhension d’un arrêt de la Cour de cassation ».

II. Les juridictions de l’ordre administratif

Les juridictions administratives sont également organisées selon une structure pyramidale. Elle est toutefois plus diffuse que celle de l’ordre judiciaire, les juridictions spécialisées de première instance étant légion et le Conseil d’État intervenant alternativement en tant que juge de premier et dernier ressort, juge d’appel et juge de cassation.

A. Les tribunaux administratifs

Les tribunaux administratifs sont, en premier ressort, juges de droit commun du contentieux administratif (TA). Ils statuent sur les litiges entre les usagers et les pouvoirs publics au sens large (administrations de l’État, collectivités territoriales, entreprises publiques…) ainsi que sur les litiges entre pouvoirs publics. La formation de jugement ordinaire est la formation collégiale composée d’un président et de deux assesseurs. Il existe cependant de nombreuses formations dans lesquelles le juge administratif statue seul.

B. Les cours administratives d’appel

La cour administrative d’appel (CAA) est la juridiction d’appel de droit commun de l’ordre administratif. Elle connaît des appels des jugements des tribunaux administratifs, dès lors que ceux-ci ne sont pas rendus en premier et dernier ressort (en raison de la faible importance de certains litiges, il n’est pas possible de faire appel de la décision rendue mais seulement de former un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État) et lorsque la compétence d’appel n’est pas détenue par le Conseil d’État. La formation de jugement est collégiale et composée d’un président et de 4 conseillers.

Depuis peu, les CAA peuvent également être juges en premier ressort de certains contentieux spécifiques, définis limitativement aux articles R. 311-2 et R. 311-3 du code de justice administrative.

C. Le Conseil d’État

Le Conseil d’État est la juridiction suprême de l’ordre administratif. Il est à la fois juge de premier ressort pour certaines matières limitativement énumérées par le code de justice administrative (notamment les recours pour excès de pouvoir formés contre les décrets), juge d’appel dans de rares cas (notamment en matière de référé-liberté) et juge de cassation des arrêts des CAA, des juridictions financières et des juridictions administratives spécialisées.

Le Conseil d’État connaît différentes formations de jugement (voir à ce sujet la fiche sur la structure et la compréhension des arrêts du Conseil d’État). Ce sont toutes des formations collégiales, à l’exception du juge des référés du Conseil d’État qui statue seul.

Il est à noter qu’en plus de ses compétences juridictionnelles, le Conseil d’État a pour fonction de conseiller le gouvernement sur les projets de lois et les projets de textes réglementaires (on parle de dualité fonctionnelle du Conseil d’État). Il peut également être conseiller du Parlement pour les propositions de lois, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

D. Les juridictions financières

Les juridictions financières regroupent :

  • Les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) qui sont juges des comptes des comptables publics des collectivités territoriales et de leurs établissements publics.
  • La Cour des comptes juge les comptes des comptables publics de l’État et de ses établissements. Elle est également juge d’appel des jugements des CRTC.
  • La Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) est chargée de réprimer les infractions commises en matière de finances publiques par les fonctionnaires et les ordonnateurs. Elle est associée à la Cour des comptes mais constitue une juridiction distincte.

Les arrêts de la Cour des comptes et de la CDBF peuvent faire l’objet de pourvoi en cassation devant le Conseil d’État.

E. Les juridictions administratives spécialisées

Ces juridictions sont très nombreuses et ont des compétences très variées :

  • La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) est une juridiction administrative compétente sur la grande majorité des recours formés contre les décisions de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA). Les arrêts de la CNDA peuvent être contestés par la voie de la cassation devant le Conseil d’État.
  • La Commission départementale d’aide sociale est une juridiction administrative compétente pour l’attribution de certaines aides sociales. L’appel de ses décisions est formé devant la Commission centrale d’aide sociale. Les décisions de cette dernière peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État.
  • Les sections disciplinaires des ordres professionnels (ordre des médecins, ordre des pharmaciens, etc.). Ces décisions peuvent également faire l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État.
  • Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), lorsqu’il statue en matière disciplinaire. Les sanctions infligées aux magistrats sont contestables devant le Conseil d’État.

Nicolas Rousseau
par Nicolas Rousseau,
diplômé de Sciences Po et de l’Université Paris Panthéon-Assas,
ancien chargé d’enseignement en droit public à l’Université de Cergy-Pontoise.



Catégories :Conseils / Bons Plans, Fiches

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3 réponses

  1. je tiens à vous remercier infiniment de l efforts que vs déployer pour nous faciliter la tache de comprendre et de maitriser la science juridique;encore une fois merci

  2. Merci pour cet article, il manque simplement le Conseil d’administration d’établissement pour les enseignants/étudiants avec comme organe d’appel le Conseil national de l’enseignement supérieur. Juridiction admin spé bien entendu.

    Cordialement.

    A.D

  3. Bonjour,
    Merci, un énorme merci pour ce site !
    Les analyses des grands arrêts sont primordiales pour bien retenir leur portée, ici, elles sont claires, limpides….
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