L’Ecosse, un référendum pour l’indépendance

Depuis 1707, l’Ecosse fait partie du Royaume-Uni. Comme son nom l’indique, il s’agit d’une réunion de plusieurs royaumes, de plusieurs cultures mais d’une histoire commune. Celle-ci n’est pourtant pas très rose. En effet, les anglais ont un goût certain pour la diplomatie quand il s’agit d’unifier un royaume. Tout le monde a en mémoire la guerre civile, politique et religieuse en Irlande, mais nous connaissons moins l’existence d’une volonté indépendantiste en Ecosse. Elément particulier de l’union, l’Ecosse a conservé une particularité du fait de ses liens pluriséculaires avec le Royaume de France. Elle dispose d’un Parlement, 129 députés siégeant à Edimbourg. En mai 2011, les élections virent le SNP obtenir la majorité absolue, parti nationaliste aux tendances indépendantistes semble-t-il. Le 11 janvier 2012, on pu apprendre qu’un référendum portant sur l’indépendance de l’Ecosse aurait lieu.

La volonté écossaise d’indépendance n’est pas nouvelle, mais pas radicale non plus. En 1997, 74% du peuple écossais répondit favorablement à la question de la création d’un Parlement écossais en la cité d’Edimbourg. Il s’agissait d’obtenir par délégation une plus grande autonomie. Cela n’est pas sans rappeler des Etats régionalistes, tel l’Espagne. Désormais, et selon le vœu de David Cameron, un référendum sera tenu dans les 18 prochains moins à propos de l’indépendance de l’Ecosse.

Le SNP avait fait figurer dans son programme, au moment des élections, un référendum sur l’indépendance de l’Ecosse. Toutefois, ce projet ne devait se réaliser qu’en 2014 ou 2015 (les jeux du Commonwealth se tenant en 2014 en Ecosse, la ferveur populaire n’en aurait été que plus grande). Le SNP aurait ainsi pu faire une campagne efficace afin de rallier un maximum de vote à leur cause. Mais badaboum ! David Cameron a annoncé qu’il voulait organiser ce référendum dans les 18 prochains mois. On pourrait se dire que le Premier ministre anglais montre par là qu’il est attentif à leurs revendications. La réalité est tout autre. Cameron semblerait vouloir bluffer afin de vider la main de ses adversaires de tout pouvoir. Il faut expliquer que ce projet entraine trois conséquences majeures :

  • Cela va empêcher la préparation minutieuse d’une campagne du SNP, et donc va limiter l’impact des indépendantistes sur le résultat. Les jeux du Commonwealth et le 700ème anniversaire de la victoire d’Edouard II sur le bon roi anglais ne pourront donc jouer en faveur du SNP. Politiquement, le coup de poker de David Cameron semble bien joué car il évite la montée en puissance de cette volonté indépendantiste. Toutefois, si le peuple répond oui au référendum, alors les conséquences seront plus fortes, car cela pourrait signifier que le Premier ministre anglais avait sous-estimé l’électorat du SNP.
  • Il sera question de poser une question appelant deux réponses possibles. Souhaitez-vous que l’Ecosse devienne indépendante ? Oui ou non ? La question parait évidente, et là n’est pas le point de discorde. Le leader nationaliste entendait poser la même question, mais voulait proposer trois réponses. La dernière réponse aurait consisté à demander une délégation de plus de compétences exécutives et législatives de la part du Royaume-Uni. Jusqu’à présent, le Parlement écossais est compétent en matière d’éducation, de santé, d’environnement et de justice. Il dispose aussi d’un Gouvernement, issu de la majorité parlementaire, et dirigé par Alex Salmond. De plus, le pays dispose d’équipes sportives au couleur du drapeau bleu et blanc. Le Royaume-Uni conserve, telle une marque de souveraineté suprême, les compétences relatives aux affaires étrangères et à la défense. Le fait de ne proposer que deux réponses permet d’incliner le référendum et ainsi de défavoriser le SNP. Une part des écossais ne veut pas l’indépendance mais souhaiterait une plus grande délégation de pouvoirs envers l’Ecosse. Ceux-ci voteraient certainement contre l’indépendance, mais voteraient en faveur d’une plus grande délégation. Ceci n’est pas négligeable car David Cameron semble parier sur cette part de la population pour tacler le parti nationaliste.
  • Ce référendum n’aurait pas la même valeur selon les sources utilisées. Le SNP a toujours voulu un référendum consultatif, ce qui signifie qu’il n’aurait eu aucune conséquence juridique. Toutefois, selon Le Figaro et Le Point, Cameron aurait demandé un référendum contraignant, ce qui induit que la victoire des indépendantistes entrainerait directement l’indépendance de l’Ecosse. La Croix nous donne une information différente. Le référendum ne serait pas contraignant, et donc consultatif, sauf en cas d’accord entre l’Ecosse et le Royaume-Uni sur ce sujet.

Le fait que ce soit David Cameron qui propose ce référendum et son possible déroulement montrent comment l’on peut orienter et influencer un référendum. Cette interprétation vaut tout autant pour le référendum que le SNP avait prévu pour 2014-2015. Il s’agissait aussi d’incliner le référendum par des éléments extérieurs. Il semble ressortir de l’actualité que le Gouvernement anglais tente de caricaturer les nationalistes écossais afin de leur faire perdre toute crédibilité. Imaginez que se déroule le référendum voulu par Cameron, deux réponses, oui ou non. Si le non l’emporte, alors le SNP ne pourra pas retenter sa chance. La question de l’indépendance sera sans doute éteinte pour quelques années.

Quoiqu’il en soit, cela pose des questions en matière constitutionnelle relatives à la délégation de compétences, à la régionalisation et à la scission d’un Etat. Une autre question surgit aussi. Si l’Ecosse obtient son indépendance, comment réagiront l’Irlande et le Pays de Galles ? Si ce dernier ne développe pas de volonté indépendantiste, il en va différemment pour le premier. Dès lors que les catholiques seront plus nombreux en Irlande du Nord que les protestants, il ne serait pas inimaginable de voir un tel évènement se reproduire.

Pour plus de renseignements les conséquences de ce référendum, Louis Imbert a rédigé un article pour Le Monde. Il s’agit d’une interview d’un Professeur écossais et économiste.



Catégories :Actualités, Droit comparé, Droit constitutionnel

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