Le CESE et la pétition irrecevable : une interprétation erronée et regrettable de la Constitution

Le CESEPar une décision de son bureau du 26 février 2013, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a déclaré irrecevable la pétition citoyenne qui lui avait été adressée le 15 février dernier. Celle-ci demandait au CESE de donner son avis sur le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Si le bureau du CESE a reconnu que les conditions de nombre et de forme relatives à cette pétition étaient bien réunies, il a rejeté la pétition come irrecevable au fond : en vertu de l’article 69 de la Constitution et de l’article 2 de la loi organique relative au CESE, il a estimé que seul le Premier Ministre était compétent pour le saisir d’un avis sur un projet de loi. Une telle saisine citoyenne serait donc irrecevable lorsqu’elle est effectuée par voie de pétition. Or le CESE effectue ici une interprétation erronée (I) et regrettable (II) de l’article 69 de la Constitution. 

I. Une interprétation erronée

En se fondant sa décision sur l’article 69 de la Constitution et sur l’article 2 de la loi organique (A), et non sur l’article 4-1 de cette même loi qui prévoit explicitement qu’il est statué sur la recevabilité de la pétition citoyenne au regard des conditions qu’il fixe, le CESE a commis une erreur de droit (B).

A. Les textes fondant la décision

La décision invoque deux fondements textuels. L’article 69 de la Constitution et l’article 2 de la loi organique relative au CESE.

1. Les dispositions constitutionnelles

La décision du bureau du CESE, adoptée à l’unanimité de ses membres est claire : « (…) en vertu de l’article 69 de la Constitution et de l’article 2 de l’ordonnance du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique social et environnemental, la saisine du CESE pour avis sur un projet de loi relève exclusivement du Premier Ministre. Celle-ci ne saurait ainsi être autorisée par voie de pétition citoyenne. »

Pour comprendre ce raisonnement, il faut se reporter titre XI de la Constitution consacré au CESE. L’article 69 prévoit une partie des attributions du CESE : « Le CESE, saisi par le Gouvernement, donne son avis sur les projets de loi, d’ordonnance ou de décret ainsi que sur les propositions de lois qui lui sont soumis. (…) Le CESE peut être saisi par voie de pétition dans les conditions fixées par une loi organique. Après examen de la pétition, il fait connaître au Gouvernement et au Parlement les suites qu’il propose d’y donner. » Ce dernier alinéa prévoit ainsi la possibilité de saisir le CESE par voie de pétition citoyenne depuis la révision constitutionnelle de 2008.

Mais les attributions du CESE ne se limitent pas à cet avis sur les projets de loi. Ainsi, l’article 70 prévoit un autre cas de saisine du CESE : « Le CESE peut être consulté par le Gouvernement et le Parlement sur tout problème de caractère économique, social ou environnemental. Le Gouvernement peut également le consulter sur les projets de loi de programmation définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques. Tout plan ou tout projet de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental lui est soumis pour avis. »

On peut ainsi distinguer deux grandes catégories de saisine par les organes constitués (si on met de côté les projets de loi de programmation) :

      • La saisine par le gouvernement pour avis sur les projets et propositions de loi, les propositions d’ordonnance et de décret sur le fondement de l’article 69 de la Constitution.
      • La saisine par le gouvernement ou le Parlement pour consultation sur un problème de caractère économique, social ou environnemental sur le fondement de l’article 70 de la Constitution.

La saisine par voie de pétition citoyenne est insérée à l’alinéa 3 de l’article 69 de la Constitution. Tout laisse donc à penser que ce sont bien les avis sur les projets et propositions de loi, les propositions d’ordonnance et de décret qui sont concernés par cette saisine par voie de pétition citoyenne. Le texte de la Constitution contredit ainsi la décision du bureau du CESE.

2. Les dispositions organiques

Il faut toutefois aller plus loin dans le raisonnement en examinant la loi organique sur laquelle se fonde également la décision. Celle dont il est question est la loi organique n°2010-704 du 28 juin 2010 relative au CESE. Elle modifie l’ordonnance n°58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social.

L’article 2 invoqué par le bureau du CESE définit les modalités de saisine du CESE :

« Le CESE est obligatoirement saisi pour avis, par le Premier ministre, des projets de loi de plan et des projets de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental. Il peut être au préalable associé à leur élaboration.

Il peut être saisi pour avis, par le Premier ministre, des projets de loi de programmation définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques, des projets de loi, d’ordonnance ou de décret ainsi que des propositions de loi entrant dans le domaine de sa compétence.

Il peut également être consulté, par le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale ou le président du Sénat, sur tout problème de caractère économique, social ou environnemental.

Il peut être saisi de demandes d’avis ou d’études par le Premier ministre, par le président de l’Assemblée nationale ou par le président du Sénat.

Dans les cas prévus aux deux premiers alinéas, le CESE donne son avis dans le délai d’un mois si le Premier ministre déclare l’urgence. »

C’est sur le fondement de cet article que le bureau du CESE a rejeté comme irrecevable au fond la pétition citoyenne. Il estime que l’alinéa 2 de cet article donne une compétence exclusive au Premier Ministre pour le saisir des projets de loi, d’ordonnance ou de décret. Il est vrai que cet article semble le suggérer, les présidents des assemblées n’ayant une compétence qu’en cas de demande de consultation, d’avis ou d’études sur un problème économique, social ou environnemental. Mais cet article ne concerne que les saisines gouvernementales et parlementaires, et non la saisine par voie de pétition.

B. Une erreur de droit

Le CESE occulte la suite de la loi organique. En effet l’article 4-1 de la loi organique est spécifique à la saisine par voie de pétition. Cet article dédié explique l’absence de la mention de la saisine par voie de pétition à l’article 2. Il  dispose :

« Le CESE peut être saisi par voie de pétition de toute question à caractère économique, social ou environnemental.

La pétition est rédigée en français et établie par écrit. Elle est présentée dans les mêmes termes par au moins 500 000 personnes majeures, de nationalité française ou résidant régulièrement en France. Elle indique le nom, le prénom et l’adresse de chaque pétitionnaire et est signée par lui.

La pétition est adressée par un mandataire unique au président du Conseil économique, social et environnemental. Le bureau statue sur sa recevabilité au regard des conditions fixées au présent article et informe le mandataire de sa décision. Dans un délai d’un an à compter de cette décision, le Conseil se prononce par un avis en assemblée plénière sur les questions soulevées par les pétitions recevables et sur les suites qu’il propose d’y donner.

L’avis est adressé au Premier ministre, au président de l’Assemblée nationale, au président du Sénat et au mandataire de la pétition. Il est publié au Journal officiel. »

À la lecture de cet article, force est de constater que le bureau du CESE a commis une erreur de droit. En effet, l’alinéa 3 précise bien : « Le bureau statue sur sa recevabilité au regard des conditions fixées au présent article et informe le mandataire de sa décision. » La disposition est claire : ce sont les conditions fixées par le présent article, l’article 4-1 de la loi organique, qui fixe les conditions de recevabilité de la pétition citoyenne. La décision d’irrecevabilité ne se fonde que sur l’article 2 de la loi organique, aucune mention de l’article 4-1 n’apparaît. Le bureau du CESE fonde ainsi sa décision sur une disposition légale qui ne devait pas s’appliquer : il a commis une erreur de droit.

Pourquoi se fonder sur cet article 2 plutôt que sur l’article 4-1 alors ? Pour savoir si la question posée était recevable, il suffisait de se reporter à l’alinéa 1er de l’article 4-1. C’est cet alinéa qui prévoit le type de question qu’il est possible de poser au CESE par voie de pétition citoyenne : il peut ainsi être saisi d’une « question à caractère économique, social ou environnemental ». On se rapproche de la formule de l’article 70 de la Constitution et de l’article 2 de la loi organique qui évoquent « un problème de caractère économique… ». Néanmoins, la formule n’est pas la même. On peut donc en déduire que cette notion de « question à caractère économique, social ou environnemental » a une identité propre.

Les formulaires envoyés étaient rédigés de la sorte :

« Je soussigné … saisit le CESE agissant dans le cadre de la « Saisine sur pétition citoyenne ».

Je demande son avis sur le projet de loi ouvrant « Le mariage aux couples de personnes de même sexe et son contenu ».

Cette demande rentre-t-elle alors dans le champ d’une « question à caractère économique, social ou environnemental » ? Il paraît difficile de raisonnablement soutenir le contraire. Le seul obstacle semble être que le texte de saisine n’est pas rédigé sous la forme interrogative. Mais est ici en cause la forme et non plus la compétence…

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Le bureau a donc commis une erreur de droit en se fondant sur l’article 2 de la loi organique en lieu et place de l’article 4-1 de celle-ci. Celui-ci semblait aller dans le sens d’une recevabilité au fond de la pétition, tout comme la combinaison des articles 69 et 70 de la Constitution.

Certes dans la deuxième partie de sa décision, le CESE s’autosaisit d’une question proche de celle posée par les pétitionnaires, estimant que « les évolutions contemporaines de la famille et ses conséquences en matière de politiques publiques justifient une auto-saisine de la part de [l’] Assemblée ». On peut légitimement penser qu’il ne se prononcera toutefois pas sur le projet actuel de loi avant sa promulgation. Aucun délai pour son avis ne s’applique par ailleurs.

Il n’en reste pas moins que l’interprétation que fait le CESE des textes qui fondent sa propre compétence est illégale. Elle est également regrettable.

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II. Une interprétation regrettable

La décision du bureau du CESE s’explique en réalité par sa réticence à se prononcer en même temps que les assemblées représentatives démocratiquement élues : elle révèle un problème de légitimité (A). Au-delà de ce problème, il s’agit certainement aussi d’une occasion manquée de rapprocher les citoyens et leurs institutions (B).

A. Un problème de légitimité

C’est certainement l’idée que le CESE se fait de son manque de légitimité représentative qui l’a poussé à rendre cette décision. Il a pourtant pour but de représenter la société civile. Prévu par la Constitution, il dispose d’une légitimité constitutionnelle certaine. Mais par cette décision, il rappelle qu’il ne veut pas être une « troisième assemblée ». La saisine a eu lieu alors que l’Assemblée Nationale discutait du texte. Depuis, elle l’a adopté, et le Sénat en est désormais saisi. Rien n’indique que la saisine du CESE ne suspende le processus législatif – aucun texte ne le prévoit. Ainsi, le CESE aurait pu rendre un avis, opposé ou conforme, alors même que la loi aurait été votée entre temps par les deux chambres du Parlement. Bien entendu, en cas d’avis opposé, la question de la légitimité du CESE à prendre une telle position se serait posée. Il aurait été critiqué, (au nom du principe de démocratie représentative) et mis en porte à faux vis-à-vis de la représentation nationale.

Cette question d’opposition potentielle entre le CESE et le Parlement paraît évidente aujourd’hui. Pourtant, après avoir consulté les travaux parlementaires (rapports et comptes-rendus de séances) de la révision constitutionnelle de 2008 instituant ce droit de pétition à l’article 69 de la Constitution et les travaux parlementaires précédant l’adoption de la loi organique relative au CESE du 28 juin 2010, il n’apparaît pas que cette question ait été soulevée par un député ou un sénateur. Personne ne semble avoir prévu ce risque : en conséquence de quoi il n’a pas été désamorcé.

Ce qu’il ressort de ces travaux, c’est que les parlementaires n’ont pas envisagé un seul instant que cette saisine puisse être postérieure à la saisine du Parlement. Il s’agissait surtout de pouvoir avoir un avis avant qu’un projet de loi ne soit déposé par le gouvernement. Les citoyens devaient donc constater qu’une question économique, sociale ou environnementale se posait et se charger de saisir le CESE avant que le gouvernement ne dépose un projet de loi. Le CESE aurait alors rendu son avis, et le gouvernement l’aurait pris en compte pour savoir s’il était bien opportun de se saisir de la question ou pour orienter les dispositions législatives prévues. Rappelons à ce sujet que les avis rendus par le CESE sont uniquement consultatifs et ne lient en rien le Gouvernement ou le Parlement.

Le fonctionnement normal devait être ainsi. La saisine postérieure du CESE par voie de pétition à la saisine parlementaire a poussé les dirigeants de l’institution du palais d’Iéna à botter en touche. L’occasion manquée condamne tout du moins la saisine par voie de pétition citoyenne, si ce n’est l’effort de revitalisation dont le CESE a fait l’objet avec la révision constitutionnelle de 2008.

B. Une occasion manquée

Des travaux parlementaires ressort le but originaire de l’institution de cette saisine par voie de pétition citoyenne : une meilleure participation des citoyens, un rapprochement des citoyens de leurs institutions. Bref, un mécanisme de « démocratie participative » selon l’expression consacrée. On le sait, la France, hormis le cas du référendum, ne présentait jusqu’à peu que quelques procédures idoines (signalons la possibilité ouverte aux citoyens d’adresser des pétitions au Président de l’Assemblée Nationale ou du Sénat, sans que cela n’entraine aucun effet contraignant à leur égard), au contraire de certains autres États : procédure de « recall » et des « propositions » dans certains États américains, votations citoyennes en Suisse, etc. La saisine du CESE par voie de pétition citoyenne était « destinée à » combler ce manque aux côtés des référendums locaux et de la procédure de référendum d’initiative partagée (dont la loi organique n’a toujours pas été adoptée).

Malheureusement la décision du CESE vient battre en brèche cet objectif. Pour la première fois depuis 2008, une pétition citoyenne rassemblant plus de 500 000 signataires remplissait les conditions de forme et de fond pour saisir une autorité constitutionnelle. Le CESE le reconnaît. Cette saisine aurait pu constituer le premier pas vers une application effective de ce mouvement tant mis en avant au Parlement. Ce ne sera pas le cas. Et elle condamne la saisine par voie de pétition citoyenne devant le CESE. Cette « jurisprudence » octroie un droit de blocage au gouvernement en cas de saisine citoyenne du CESE. Une fois une pétition lancée, dans le délai nécessaire pour recueillir les 500 000 signatures, le gouvernement n’a donc qu’à saisir en urgence le Parlement pour court-circuiter la procédure devant le CESE. Celui-ci serait en effet saisi d’une question qui équivaudrait à donner son avis sur un projet de loi et il devrait, dans la droite ligne de sa décision du 26 février 2013, déclarer la pétition irrecevable.

L’avenir du CESE semble ainsi bien sombre. Avec cette décision, il souhaitait rester en dehors de cette polémique pour ne se pas voir une nouvelle fois critiqué (manque de représentativité, procédure de nomination des membres, concurrence d’autres institutions consultatives plus spécialisées). Il n’aura pourtant pas évité l’effet inverse (voir notamment le billet du député Hervé Mariton sur le site Internet de la Vie).

La création de la saisine par voie de pétition citoyenne visait justement à lui redonner une certaine utilité et légitimité. En réduisant fortement ses attributions, le CESE n’est-il pas en train de creuser sa propre tombe ?

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La décision du bureau du CESE du 26 février 2013 paraît donc à la fois illégale et regrettable. Si les conséquences à long terme sur l’institution sont encore incertaines, les effets immédiats auront surement lieu au Palais Royal. En effet, le mandataire de la pétition a annoncé son intention de former des recours juridictionnels. On peut imaginer qu’il saisira le Conseil d’État d’une requête en annulation de cette décision. La question qui se posera alors sera celle de la compétence de la juridiction administrative pour connaître d’un tel recours et de la recevabilité de celle-ci, notamment au regard du caractère décisoire de la délibération attaquée (est-ce un acte faisant grief ?). Deux obstacles qui paraissent bien durs à franchir. Mais gageons que si la requête les dépasse, son annulation ne fera alors que peu de doute…


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7 réponses

  1. Je tiens à préciser que cet article se veut une analyse juridique et institutionnelle de cette décision. En aucun cas il ne vise à donner un avis personnel et privé sur l’opportunité d’ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe ou à spéculer sur des quelconques rumeurs de pression politique sur le CESE. Il ne s’agit que de l’avis d’un juriste « en herbe« .

  2. Bravo et merci pour cette analyse remarquable par la clarté, les références constitutionnelles et le sens politique que vous y avez mis, Nicolas ! 🙂

    Je vous confirme que certaines formules de votre texte m’ont bien fait percevoir, avant de lire votre avertissement final, que vous aviez le souci de ne mélanger à votre analyse sérieuse aucune considération relevant de votre opinion personnelle sur le fond de la question.

    Pour la petite histoire, il est savoureux que j’aie été dirigé vers votre excellente analyse par le « mandataire unique » même de la pétition citoyenne dont il est question, mon camarade de mouvement Phillippe Brillault, maire du Chesnay, qui vient de twitter pour la signaler ! 😉

  3. Un article de Causeur ( http://www.causeur.fr/jean-paul-delevoye-mariage-gay,21530 ) donne un complément d’information sur la manière dont se seraient déroulés ces évènements :

    « Mais Jean-Paul Delevoye aura joué petit. Le jour même du dépôt des pétitions, il sollicitait directement l’avis du Premier ministre par courrier en ces termes : « Dans la perspective du prochain bureau du CESE fixé au 26 février 2013, je me permets d’appeler votre attention sur les questions liées à la recevabilité de cette pétition ». Trois jours plus tard, le secrétaire général du gouvernement adressait au Palais d’Iéna deux pages d’analyse justifiant la non-recevabilité de la pétition. Interrogé le 22 février sur la décision qu’il serait amené à rendre, le Président lâchait le morceau au prix d’un beau mensonge et avant même d’avoir statué dans les règles : « La pétition demande que le Cese se prononce pour ou contre la loi. Constitutionnellement, c’est impossible. C’est donc irrecevable sur le fond ». »

    Si le SGG a effectivement plaidé la non-recevabilité de la saisine auprès du Cese, il serait des plus instructifs de savoir quels ont été ses arguments… Tout cela n’est décidément pas à l’honneur de Delevoye.

  4. Monsieur,
    Je vous félicite pour votre analyse assez largement semblable à celle que j’ai pu effectuer et que le JCP Administration et Collectivités vient de publier, le 4 mars dernier : Libre propos, « La saisine du Conseil économique
    social et environnemental par voie de pétition »

    Un point que vous n’avez pas envisagé aurait pu être encore mentionné, je le livre à votre réflexion et à celle de vos lecteurs :

    Le CESE aurait pu s’inspirer autrement des dispositions constitutionnelles et organiques.
    A l’invitation du Premier ministre, le CESE peut en effet être saisi d’une demande d’avis sur un projet de loi, avis qu’il doit donner dans un délai d’un mois lorsqu’une déclaration d’urgence a été effectuée (2e et 5e al. de l’art. 2 de la LO) ; délai bien inférieur à celui d’un an maximum prévu dans le cadre de la saisine par voie de pétition.

    Ainsi, plutôt que d’exciper de l’existence de la discussion parlementaire en cours l’irrecevabilité de la pétition sollicitant son avis, le CESE aurait pu lui appliquer, par analogie, les dispositions régissant la demande d’avis sollicitée par le Premier ministre.

    La décision sur la recevabilité ayant été rendue le 26 février, le CESE aurait donc eu jusqu’au 26 mars pour rendre son avis, ce qui ne soulevait aucune difficulté sous l’angle de la procédure parlementaire en cours.

    En effet, le 20 février, la Conférence des présidents chargée de fixer l’ordre du jour du Sénat annonçait que le projet de loi sur le mariage homosexuel n’y serait examiné qu’à partir du 4 avril !

    La discussion parlementaire aurait alors pu reprendre, aux dates prévues, nourrie et éclairée par l’avis du CESE et cela sans que la saisine n’ait produit un quelconque blocage de la procédure parlementaire. Par ailleurs cela n’aurait pas conduit à cette décision regrettable d’irrecevabilité qui conduit le CESE à prêter le flanc à la controverse, sa neutralité revendiquée paraissant dissimuler une attitude quelque peu partisane et très éloignée du discours d’ouverture aux citoyens qu’il tient sur lui-même depuis la réforme constitutionnelle de 2008 ; décision qui révèle la procédure de l’article 69 pour ce qu’elle semble alors : un simple plan de communication qui n’est pas destiné à recevoir une quelconque traduction juridique tangible.

    Bertrand Pauvert
    Maître de conférences HDR
    Faculté de Droit de Mulhouse

    • Monsieur,
      Je vous remercie pour votre commentaire. Je n’avais pas eu le loisir de lire votre article à la JCP A, je vais le faire rapidement.
      Je n’avais pas envisagé cette possibilité en effet. Cela aurait certainement permis un débat plus serein.
      Pour le reste, je ne peux qu’adhérer à vos remarques sur cette décision regrettable et les conséquences sur le CESE.
      Encore merci pour ce commentaire éclairant.

Rétroliens

  1. Le CESE et la pétition irrecevable : une interprétation erronée et regrettable de la Constitution | Le blog de Philippe Brillault
  2. Actualité bibliographique des revues de droit public : Janvier – Mars 2013 | Les Chevaliers des Grands Arrêts

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