Cyclone Béjisa, inondations en Bretagne : un point sur le régime de l’état de catastrophe naturelle

A l’heure où l’Île de la Réunion et la Région Bretagne constatent petit à petit les dégâts provoqués par le cyclone Béjisa pour l’une et par les crues pour l’autre, les sinistrés demandent à ce que soit reconnu l’état de catastrophe naturelle.

L’état de catastrophe naturelle est un régime juridique qui va permettre d’activer un mécanisme assurantiel pour l’indemnisation des victimes. Ce régime d’indemnisation existe en France depuis 1982. Auparavant, le régime juridique pour les catastrophes naturelles ne concernaient que quelques personnes intéressées, ce système n’était donc pas généralisé à l’ensemble de la population, seules les personnes qui avaient souscrites une assurance spécifique en bénéficiait. Le risque que représentait les catastrophes naturelles sur les biens et les personnes était donc assuré de manière minimale ; les sinistrés ne pouvaient compter que sur des aides publiques comme le Fonds de secours aux victimes de sinistres et calamités ou le Fonds national de garantie des calamités agricoles pour les pertes de biens uniquement agricoles. Cependant, les risques couverts ne correspondaient pas au montant réel des dommages subis.

En matière d’environnement, c’est souvent la survenance d’un risque qui marque les consciences, et a fortiori les dégâts qu’il provoque qui va faire intervenir le législateur. Fin 1981, on assiste à d’importantes inondations dans le Sud-Est de la France, les parlementaires déposent une proposition de loi. Cette proposition de loi a donné naissance à la loi du 13 juillet 1982 dite Loi Tazzieff codifiée aujourd’hui dans le Code des assurances aux articles L. 125-1 à L. 125-6. Ce régime d’indemnisation est appelé dispositif CATNAT’82. 

Le recours au régime CATNAT est possible dans un certain nombres de cas. A ce titre peuvent faire l’objet d’une indemnisation au titre de ce régime : les inondations, les coulées de boues, les avalanches, les effets du vents, les raz-de-marée.

Pour déterminer avec précision si la survenance d’un événement naturel est indemnisable au titre de ce régime, il y a un critère déterminant qui est fixé par l’article 1 de la loi du 3 juillet 1982 relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles celui de « l’intensité anormale d’un agent naturel », lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance. En ce qui concerne les effets du vent, le seuil d’intensité anormale est fixé à 145 km/h sur dix minutes ou 215 km/h en rafale (art. L. 122-7 du Code des assurances). En ce qui concerne les séismes, l’intensité anormale est située au-delà de 5 sur l’échelle de Richter (CE, 10 nov. 2004, Commune de Saint-Genest, n°259851 ; CE, 27 juillet 2005, Commune Saint-Dié-des-Vosges, n°259378).

En ce qui concerne le champ d’application matériel de ce régime d’indemnisation, uniquement certains types de biens sont garantis. Ne sont garantis que les immeubles et les meubles y compris les véhicules terrestres à moteur assurés contre les dommages d’incendie ou d’autres types de dommages. Autrement dit, le régime CATNAT n’indemnise que les dommages causés par des évènements ne relevant pas du régime assurantiel classique (incendie, foudre, tempête, grêle, neige). De plus, sont seuls garantis les dommages matériels et directs id est trouvant leur cause déterminante dans la catastrophe naturelle qui frappe les biens assurés et les pertes d’exploitation consécutives des dommages.

Pour constater cette intensité anormale de l’agent naturel, un arrêté portant constatation de l’état de catastrophe naturelle est nécessaire (art. L. 125-1 du Code des assurances). C’est donc à l’autorité administrative que revient la charge de prononcer l’état de catastrophe naturelle. La constatation de l’état de catastrophe naturelle se fait en plusieurs étapes. Dans un premier temps, les victimes doivent se manifester auprès de leur Commune laquelle va avoir pour mission de rassembler tous les dossiers des administrés et va constituer un dossier unique qui va apporter des éléments comme la date de la survenance et la nature de l’événement, la nature des dommages, les mesures de prévention prises, les reconnaissances intérieures de l’état de catastrophe naturelle dont a bénéficié le même événement la Commune.

Une fois ce dossier unique constitué en mairie, la collectivité le transfère à la préfecture. Le préfet estime alors s’il y a potentiellement exposition à une catastrophe naturelle. Il va constituer lui-même un dossier qui remontera au ministre de l’intérieur afin de permettre à l’autorité nationale de se faire une idée de la catastrophe. Un rapport sur l’intensité, la nature et sur les mesures de prévention est joint, s’il s’agit d’une tempête ou un cyclone, Météo France établit un rapport météorologique et s’il s’agit d’une crue, un rapport du service d’annonce des crues est joint au dossier. Par ailleurs, à ce dossier sera également joint une carte localisant les zones géographiques touchées, la liste des communes atteintes et tout élément permettant d’évaluer l’intensité du phénomène. Suite à ces rapports, le ministre de l’intérieur doit saisir la Commission ministérielle composée de représentant des différents ministères intéressés à savoir le Ministère de l’intérieur, de l’économie et des finances, du budget et de l’écologie. Il y a un représentant par ministère.

La décision sur la constatation ou non de la catastrophe naturelle est quant à elle faite par seulement trois ministres : le Ministre de l’intérieur, le Ministre de l’économie et des finances et le Ministre du budget. Ainsi l’état de catastrophe naturelle, ouvrant droit à la garantie, est-il constaté par un arrêté interministériel des trois ministres mentionnés. Il faut par ailleurs préciser que dans l’hypothèse où l’un des ministres concernés refuse de signer l’arrêté, celui-ci n’aura aucun effet et l’état de catastrophe naturelle ne pourra être constaté (CE, 14 mai 2003, Ville d’Agen, n°235051). Cet arrêté est publié au Journal officiel dans un délai de trois mois à compter du dépôt des demandes à la préfecture ou de deux mois après réception du dossier par le Ministère de l’intérieur (L. 125-1 al. 4 du Code des assurances). Les articles 11 et 12 de la loi n°2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile ont complété le Code des assurances ajoutant que :

« cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, la décision des ministres. Cette décision est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l’État dans le département, assortie d’une motivation. L’arrêté doit être publié au Journal officiel dans un délai de trois mois à compter du dépôt des demandes à la préfecture. De manière exceptionnelle, si la durée des enquêtes diligentées par le représentant de l’État dans le département est supérieure à deux mois, l’arrêté est publié au plus tard deux mois après la réception du dossier par le ministre chargé de la Sécurité civile ».

Postérieurement à cette procédure administrative peut s’ouvrir la procédure de règlement des sinistres. Les sinistrés ont dix jours pour déclarer les sinistres dont ils sont victimes (art. L. 113-2 du Code des assurances).

Concernant le contentieux, les recours dirigés contre les arrêtés de constatation de catastrophes naturelles ou de refus de constatation doivent être introduits devant le Tribunal administratif dans le ressort duquel se situe la Commune concernée (CE, 24 février 2006, Commune de Mourenx, n°273502). Le refus de constatation peut être constitutif d’une illégalité fautive pouvant engager la responsabilité de l’administration (CE, 10 février 1993, Ets Jean Diant et Compagnie, n°91418) car c’est à elle seule que revient la compétence pour reconnaître l’état de catastrophe naturelle (art. L. 125-1 du Code des assurances).

par Jérôme Govindin,
Titulaire d’un master 1 en droit public des affaires de l’Université Jean Moulin Lyon III,
étudiant en Master 1 droit européen de l’Université Jean Moulin Lyon III.



Catégories :Actualités, Droit public

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