Rapport du jury du concours d’agrégation de droit public : vers une réforme du concours ?

Cours de droit en amphi © Bernard Monasterolo

Sur notre site, vous avez pu suivre l’an dernier le déroulement du premier[1] concours d’agrégation de droit public, du début de la 1ère épreuve le 12 octobre 2011 à la proclamation des résultats le 21 juin 2012. Véritable marathon, le concours a permis à 30 docteurs en droit public d’accéder au titre de professeur en droit public. Présidé lors de cette session par le professeur Didier Truchet de l’Université Paris II, le jury a remis au ministre de l’enseignement supérieur un rapport sur le déroulement du concours. Celui-ci a été mis en ligne sur le site du Professeur Guglielmi : Drôle d’en-droit, avec ses deux annexes relatives à la première épreuve et aux thèses. Les conclusions de ce rapport préconisent une réforme du concours.

Avant d’analyser ces conclusions, il faut revenir sur les éléments intéressants soulevés dans ce rapport. Après avoir rappelé les dates clés de l’ouverture du concours, le jury nous informe sur l’administration et les moyens matériels mobilisés pour le concours. Celui-ci est organisé au sein de l’Université Paris II Panthéon-Assas, en vertu d’une convention de l’État. S’il semble que les moyens mis à la disposition du concours par l’université soient particulièrement adaptés, le jury pointe la situation complexe dans laquelle se trouvent les membres du jury : rémunérations sous forme de vacations peu transparentes, décharges dérogatoires de service non inscrites dans les textes, difficultés pour les membres venant de province, retards dans le versement des indemnités. En outre, la fonction de président ne donne pas lieu au versement d’une rémunération complémentaire liée aux charges supplémentaires qu’il doit assumer.

Au-delà de ces petits soucis financiers pour les membres du jury (qui bénéficient toutefois du prestige que confère l’appartenance au jury du concours), le rapport nous fournit des statistiques très intéressantes sur les candidats et les lauréats. Ainsi, 61 % des candidats se présentaient pour la première fois au concours en 2011-2012, 25 % pour la deuxième fois, 9 % pour la troisième fois. On retrouve des pourcentages assez proches pour les lauréats puisque 60 % d’entre eux se présentaient pour la première fois au concours. En outre, les candidats ayant soutenu leur thèse dans une université de région parisienne étaient majoritaires : 49,2 %. Cette proportion est encore plus importante chez les lauréats puisque 36 % d’entre eux venaient de l’Université Paris II et 20 % de l’Université Paris I ! Si l’on ajoute un lauréat de Paris X et un autre de l’IEP de Paris (Sciences Po), cela représente 63 % des lauréats.

Concernant le déroulement des épreuves, le président du jury remarque l’évolution de la bibliographie utilisée. En effet, les nouvelles technologies aidant, et les bases de données juridiques devenant de plus en plus fournies, il semble s’opérer un glissement dans les qualités attendues chez les candidats : « En particulier, le risque pour eux n’est plus de manquer d’information sur un sujet, mais au contraire d’être submergés d’informations. Il leur faut donc maîtriser celles-ci dans les huit heures de préparation et faire un effort particulier pour construire une réflexion originale.« 

Le jury relève également que certains candidats ne semblaient pas familiarisés avec la première épreuve d’appréciation des titres et des travaux. Si la deuxième épreuve (première leçon en loge de 8 heures) a montré une bonne préparation des candidats, la troisième épreuve (leçon de 24 heures) s’est une nouvelle fois montrée redoutable. Le jury a parfois dû renoncer à l’entretien de 15 minutes avec le candidat en raison de la fatigue de celui-ci. Par ailleurs, le jury pointe des disparités importantes chez les candidats :

  • « Certains candidats ont semblé trop dépendants des choix faits par leur équipe quand d’autres avaient manifestement dirigé celle-ci avec l’autorité qui convient ;
  • Sans doute pris par le temps, certains donnaient le sentiment de presque découvrir en lisant leurs notes ce que l’équipe avait rédigé, et d’autres d’avoir entièrement remis à leur main l’ensemble du propos. »

Enfin, concernant la quatrième (et dernière) épreuve, le jury remarque que « les leçons ont été de moins bon niveau que les précédentes. » Cela s’explique par la spécialisation grandissante des candidats dans une matière précise du droit public.

Face à ce constat, et en raison de l’augmentation régulière du nombre de candidats au concours, le jury préconise une refonte du concours :

  • « Le concours lui-même s’avère très lourd, sans doute trop lourd. Le nombre des candidats augmentant, il sera de plus en plus difficile de le maintenir comme c’est hautement souhaitable, dans la limite d’une année universitaire.
  • En outre, la spécialisation croissante des candidats (signalée à plusieurs reprises dans ce qui précède) et l’interpénétration des disciplines imposent d’adapter les épreuves à cette évolution. Il convient de réunir les 3° et 4° épreuves en une seule qui serait de tronc commun. La leçon en 24 heures disparaîtrait à cette occasion. »

Ces préconisations s’intègrent dans une prise de position globale sur l’avenir des concours d’agrégation de droit. Ainsi le jury réaffirme « l’absolue nécessité de maintenir l’agrégation comme la voie principale d’accès au corps des professeurs dans les disciplines juridiques« . On comprend alors mieux sa position : en allégeant le concours, le jury souhaite éviter que se multiplient les voies d’accès dérogatoires au corps des professeurs de droit public. Le prochain concours aura lieu en 2013-2014 : pas sûr que grand chose ait changé d’ici là…


Vous pouvez télécharger l’intégralité du rapport ainsi que ses deux annexes en cliquant sur les liens ci-dessous.

N’hésitez pas non plus à consulter nos articles sur la session 2011-2012 du concours.


[1] On parle de premier concours car il existe un second concours (sorte de concours interne) réservé aux maîtres de conférences ayant plus de 40 ans et au moins 10 années de service dans un établissement d’enseignement supérieur.



Catégories :Droit public, Formations / Cursus / Concours

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